Palestiniada d'Ali Al Ameri - illustration d'Abdul Hay Mosallam, traduction d'Arwa Ben Dhia
- Cretté Alexandra

- 14 sept.
- 3 min de lecture
Les histoires
ne s'arrêtent jamais.
Tout ici, en Palestine,
nous raconte une histoire gravée dans la terre :
Une pierre près d'un puits se baigne par la lumière de midi. Une inscription sur un rocher qui
respire entre les collines. Des ombres qui ramassent des plumes d'oiseaux pour jouer avec
une petite fille à sauter par-dessus les lignes. Une chemise sur la corde à linge d'où coule du
sang. Une flamme archaïque brûle sur une montagne et parle à la fin de la nuit d'un homme
vêtu d'une étoile filante qui se rend à la source puis disparaît derrière l'absence.
Ici, tout reprend la parole
et nous raconte une histoire tirée du livre du pays :
Des ombres éternelles parlent au matin
d'une femme qui, lorsqu'elle se dirige
vers le jardin,
est suivie par deux planètes.
Et ici, à la place de la captive,
un chêne parle d'une jarre qu'il a remplie des voix des morts.
Ici, une fleur pour le martyr,
ici
une étoile
qui pend
sur la tombe au coucher du soleil.
Et ici
une larme pétrifiée
dans les yeux de l'éternité.
*********
- Qu'as-tu vu près de l'ancienne rivière ?
- J'ai vu une aurore monter d'une phrase arabe : « Voici mon pays ».
Et j'ai inventé le mystère de mon ombre à midi.
Et j'ai inventé les plumes dans les mots.
J'ai laissé l'eau confuse
couler
dans
les veines de la roche.
J'ai laissé l'écho s'écouler vers une enfance qui viendra demain.
J'ai laissé l'encre de l'écriture
dans la clarté du blanc, signe du vivant
qui marche le matin
vers un soleil dans les champs.
*******
Mon grand-père est mort
Comme il le souhaitait,
fort, sans trembler ni s'appuyer sur une canne.
Il est mort dans le champ près du canal,
les pieds dans la poussière qui éclaire le chemin.
Mon grand-père est mort
Et dans sa jambe repose la balle, témoin du temps,
sur un météore à cet endroit.
Il est mort
en embrassant
son ombre dans la terre.
Morte est cette montagne.
*******
Des galaxies sont tombées
Nous avons marché
Comme des ombres vers les ombres.
Des éclats d'obscurité sont tombés
sur
le lac,
et le ciel s'est fendu dans l'atlas du déplacement,
et l'enfer s'est ouvert dans les miroirs,
et les petits oiseaux
ont voleté
au-dessus de l'absence.
*******
Nous étions là-bas
Comme si nous étions ici.
Le temps est entré dans le lieu,
et un oiseau s'est posé sur la porte de la colonne comme s'il était l'âme de la pierre.
Une porte couronnée d'un nuage marbré, gardant l'ombre antique, et menant le chemin
vers l'extrême, vers la cloche de la résurrection, vers le Buraq et vers la biographie des
ancêtres dans le sens. Elle nous emmène à Khan al-Zayt, elle nous emmène vers un parfum
de marbre, vers nos premiers noms. Elle nous emmène vers une sieste à l'ombre d'un dahlia,
vers nos premiers marchés
et elle nous emmène
vers
nos premiers escaliers,
vers Nora qui a crié : « Ici est ma maison captive. C'est ici que je suis née. C'est ici que j'ai
rampé. C'est ici que j'ai ri. C'est ici que j'ai marché. C'est ici que j'ai pleuré. C'est ici que j'ai
grandi. C'est ici que je me suis fatiguée. J'ai donné naissance à mes enfants ici. Et j'ai gravi les
marches les unes après les autres. J'ai arrosé les roses, les cactus et le sens. J'ai illuminé les
souvenirs comme ils m'ont illuminée ici. Je suis la voisine de l'Al-Aqsa, et ma fenêtre donne
sur les coupoles de Jérusalem et l'ombre dorée des inscriptions. C'est ici que se trouve mon
chemin, celui de mes souffrances et de mes rêves. C'est ici que le drapeau palestinien se
hisse sur les airs de l'hymne national de notre terre, pour toujours.
Nous étions ici
comme si nous étions là-bas.
Le lieu est entré dans le temps,
et mon tour est arrivé à la porte de la colonne, comme une inscription qui flotte dans la
pierre.
*******
Comment ma vie pourrait-elle redevenir normale ?
Alors que le sang de mon fils n'a pas séché parmi les décombres de la maison, et mes larmes
n'ont pas séché. L[ ombre des versets sur le cercueil n'a pas séché, et la boue de la tombe n'a
pas séché. À présent, des gémissements s'élèvent au-dessus des collines du temps, et les
amandiers se rendent au cimetière des martyrs, accompagnés d'une nuée de moineaux des
montagnes.
Comment ma vie pourrait-elle redevenir normale !
Ce matin n'a pas respiré,
et le soleil
n'a pas gravi
les marches de la maison,
et aucun oiseau n'a picoré de figues.
Mon ombre est carbonisée,
mon silence est un champ de deuil.
Comment ma vie pourrait-elle redevenir normale !
*******





Commentaires