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Le cercle apoétique - L’achronique continu(e) - Saison 2, épisode 1, de Loran Kristian

  • Photo du rédacteur: Cretté Alexandra
    Cretté Alexandra
  • il y a 9 heures
  • 7 min de lecture


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Comment vous dire ?


Il existe différents types de champs de matière mouvante, diverses sortes de plans dessinant de belles lignes de force, je ne vous apprends rien. Certains sont faits pour les cartésiens habitués aux espaces plats et euclidiens, d’autres pour les projectifs préférant les points de fuite à l’infini, ceux qui aiment les surfaces courbes et les grands cercles à tendances elliptiques, d’autres encore pour les amateurs de vies conformes, complexes ou plus discrètes.


Mais de l’endroit où je regarde bouger le monde, recueil de corps et d’esprits, le plan semble gâché à l’équateur. Plus grand-chose à tenir ferme et bon sans perdre la tête ou l’équilibre. Pourtant, dit-on, il nous faut rendre hommage à la destinée manifeste comme à ceux qui nous ont précédés. Garder la force de regarder demain en mangeant notre paquet de courage. Entre cyclopes et cyclones, en dépit de ce qui nous poisse comme jamais, il nous faudrait prendre la vie à bras le corps, de front, comme des gladiateurs affrontent le diable dans tous les détails.


Au sein de ma communauté luttant depuis des siècles pour l’abolition du sévice, ceci au nom de la dite « œuvre commune », la question du Pouvoir demeure au centre de la relation. C’est-elle qui détermine le plan de développement dans le cadre d’une juste économie des devenirs. Or, derrière la scène qui s’y joue actuellement, on trouve un tissu de causes ayant produit à mesure des effets bien ancrés ; de ceux que l’on voudrait faire oublier, dissimuler, faire disparaître sans répondre de ses actes et de ses mots. Toute une opacité sise dans les marges de vies bouffies par ce que l’on étouffe, ce qui empêche une saine respiration entre les murs de la maison, et rend presque impossible l’ouverture d’une fenêtre.


S’il est entendu que l’on passe sa vie à se raconter des histoires, du berceau au tombeau en passant par les tribunaux, s’il est avéré que nous donnons en communication pour tordre et former le réel, épris de gouvernances imaginaires, que peut « bien faire » un être saisi par la violence exécutoire du pouvoir, menace dévoilée ? Un être titubant le long des couloirs de sa mort ? La coulisse du théâtre d’exécution devenant ici l’endroit où glisse une perspective d’entrée et de sortie de la situation, par laquelle on comprend.


Imaginons le côté de l’affaire par lequel les êtres et les choses se confondent, fichées, postées, cadrées de droits et de devoirs, soumises aux logiques supérieures d’intérêts eux aussi confondus. Il nous faudrait pouvoir démêler cette affaire pour tout dire très clairement, le dire comme on le pense. Démêler cet effet personnel mimant le geste d’action collective, ou peut être l’inverse, avec un tamis séparant le vrai du faux. Ce qui probablement nous permettrait de connaître les éléments biographiques induisant à donner dans la confusion.


Nous y verrions sûrement de bonnes et de mauvaises fortunes, et d’autres genres de plis existentiels. Des fortunes familiales liquidées par des héritiers. Des revers de fortune changeant l’état d’un chat, mort ou vivant, dans un même sac de nœuds. Des roues de la Fortune également, tournant dans les laboratoires du recel et du détournement de fonds. Parfois des soldats de fortune élevés des derniers rangs aux premiers grades, pour toute indemnité et visibilité.


C’est pourquoi, loin de tout récit opposant les faiseurs de fortunes aux autres infortunés, il devient impératif d’observer mieux les mécaniques, les structures en réseaux décisionnels ; observer les élus en tout genre, les archéo- comme les néo-, et ces liens unissant le grand jour à cette nuit tombée. Car aussi sûr qu’un cabas vide ne reste pas debout, un sac de félins déportés à l’aveugle peut fourrer une litière dans la contradiction.


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« C’est comment ? »



Au temps d’enfance, il y avait des sons dans la matière qui vous remuaient profondément. Des chants et contre-chants différents mettant en vibration l’écoute comme premier soin de mots. Le léger crépitement courant par les sillons ; un souffle, et ce grain du réel sur les microsillons ; les corps frottés qui délivrent assemblés des poussières de diamant. Une texture de vinyle aux arômes de vin noir, avec le sens d’une rotation faisant tourner la tête tel un granule d’évanescence.


Dans le disque de vie, il n’y avait rien de compact, rien de séquencé, rien de fragmenté. Tout venait et revenait de loin, depuis Elam jusqu’à Saint-Pierre. La danse était en mode continue, une patine du temps sourcée de pulsation, d’énergie, de vibration et de lumière. Pas à pas pour avancer, la traversée des sons accrochait un peu du réel avant de vous éclabousser. Le bruit du monde était aussi présent que le monde. La vie réelle aussi sûre que le rêve. Puis vint donc autre chose, dans l’accélération et la découpe qui envahissent : l’entretemps et les vies samplées, échantillonnées.


Tout, pourvu qu’un pur signal soit l’élément premier de la quête et que les points se multiplient partout. La vie parut en pointillés, encodée, gorgée de 0 et de 1 à tous les coins de rue, de manière à ce que la découpe atteigne au mieux les esprits et les corps, qu’ils restent ensemble à bonne distance. La vie pixelisée dans ses moindres recoins, afin que l’unité manipulable soit à merci des manipulatoires, en fait de parc d’attractions où chacun rit et crie, s’amuse de bon cœur contre mauvaise fortune, tant que la sensation nouvelle et la joie d’en être tiennent l’autre de part en part. Pour le dire autrement, un centre d’isolation attentive, remplit de corps qui s’étrangent et s’éloignent lentement mais sûrement.


Dans ces conditions, revenons à notre histoire contée dont l’action se situe dans un univers différent du monde réel ; quasi mirage intérieur venu des basses pointes de l’air. Dans cette zone proche du sol chauffé par le soleil, se produit très souvent l’inversion de l’image.


C’est pourtant ici que l’on touche les nuages, portés par les courants scalables, mis à l’échelle ou à l’amende pour sauvegarder les flux. La vie portable et computée, dans laquelle on s’héberge pour mieux déshabiter les peaux entre-baillées, et se faire quelques cheveux blancs. Le tout-monde à porter de clic ou d’assistance virtuelle. Un accès de folie à ce que vous souhaitez, à l’instant T, en levant rien qu’un petit doigt. C’est apprendre, il me semble, la désincarnation des traces pour ne laisser que le transfert organiser la vie. Apprendre le moindre effort, laisser-faire le marché et ses agents d’innovation. Ainsi va notre science de l’évasion par l’étendue télématique ; l’économie algorithmique sise dans l’incertitude du revenir et la maîtrise des processus.


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« Ça ou faire ? »



C’est donc à repartir d’ici-là que nous œuvrons, à poursuivre le mouvement d’avant. Déconvulser le mal caduc, les dépendances et sujétions qui nous sanglent accessoire, bête à pouvoirs, machine artificielle, mentaille logicielle, plutôt que lien charnel entre la terre et l’eau, cageole de sang reliant la mer au ciel, finallant forme incorporée d’amour… Rendre sensible les différences de potentiel et de charge, l’énergie issue de la position sur le champ de bataille.


De là découle l’ajustement entre les pièces de l’assemblage, accordées aux tempéraments tels qu’aux accommodements. Considérer cela d’une voie de garage peut confondre les pistes. Cela peut faire entendre un naufrage comme une relance économique, faire l’entente illicite et ses myriades d’enseignements passés pour des écrans, ou faire du dysfonctionnement un outil fonctionnel afin de ventiler les sens. Au bout du compte, les gens y perdent leur latin autant que leur créole (CQFD), paradant la langue du plus fort sur une scène burlesque, oubliant que les armes miracles sont celles qui dissuadent de combattre.


Les preuves sont là, passives, très difficiles à quantifier quand elles nous obligent sous les charges et les impositions. Elles confortent la maîtrise de la masse indexée à la croissance, à l’inflation ou au travail, et n’en demeurent pas moins des dettes de valeur. Pour jouer de la polysémie, on dira que la somme des fautes et culpabilités fait tenir tous les faits dans un mouchoir de poche, ce qui rend l’affaire délicate. Elle requiert notre plus haute vigilance, car l’attention, devenue denrée rare comme une odeur de cannes brûlées, pourrait nous manquer le jour du jugement. Supposant que nous préférerions connaître notre destination finale, qui c’est Enfer ou Paradis, si tel est bien le cas, continuons notre bonhomme de chemin et cette histoire typée à dormir-debout.


Le type est aussi le reflet d’une empreinte originale, réflexion affaiblie d’une figure initiale. Et puis cette impression que les antiques dirent palingénésique, comme qui dirait parlant de la genèse et du déroulement d’un temps sous forme de cycles et de cercles. Rapport aux étoiles fixes des révolutions annuelles du soleil et d’une lune. Qui donc, repassent par les mêmes phases suivant un rythme perpétuel d’élévation ou d’abaissement. Comme le dit le poète, ce rythme est une vision du monde, de celle qui vous cadence obstinément, au nom du père, au nom du pain bien sûr, mais aussi au nom de l’air et de la poésie.


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« C’est combien ? »



C’est parce que nous étouffons sous le poids de la dette impayée que nous insultons la destinée. Derrière les fagots de l’histoire, nous avons appris à marcher sereins parmi les cataclysmes, au vent des catastrophes. Depuis les alizés laissant à la surface de l’eau leurs rides ondulées, depuis le train de houle, son modèle de langage et ses embruns glacés, nous avons vu, de nos yeux vu, la profondeur quittant l’entour, l’onde progressant jusqu’à lever sa crête bleue marine, sa courbure vers l’avant juste au point d’équilibre, puis le déferlement…


Selon la pente du fond, quand le mur se creuse, il n’y a pas trente-six solutions à la portée d’un être. Il peut rejouer le face-à-face entre un David et son Goliath, étant conscient qu’un jet de pierre à l’eau ne forme guère plus qu’un rouleau. Il peut aussi tenter le corps à corps dans l’octogone, étant conscient qu’une simple épine au pied fait parfois plus de mal qu’un mi-chaos debout. Il peut également prendre la vague par le dessous, devenir corps-écume, attendre la montée par les oscillations, puis l’air enfin, libéré, délivré. Mais il peut au bout du compte faire un tout autre choix : sentir la poussée du mur sous ses pieds, élevé par la gravité à l’arrache d’un monde instable, saisi par les vitesses et les courbes infinies dans un cylindre d’or et d’eau ; accompagner ce qui s’effondre et qui propulse tout de go.


Le pouvoir de détruire vit en miroir des puissances de créer, quand le déboulonnage ébranle les fixités. Aussi, ce qui vacille-chancelle, temps pris, produit un nouveau déplacement de la fragilité. Alors s’éprouve chaque geste révélé dans l’instable sous-virage, soumis aux lois de la physique comme aux drisses humaines. Pour lors, la prise de vie sur un être mouvant nous fait dire et penser combien fragile nous sommes. Tant que la pluie tombera en traverse d’un souffle, donnée de toute éternité, nul n’aura à frémir de perte ou de disparition, tant les murmures d’étoiles tremblent un monde essentiel. Là, s’éprouve la finitude issue d’ensemencement. Près des limites de sens, non loin des basculements. Dans les marges à ressac, aux abords du boulevard ou du trottoir d’une vie. Entre les fûts de rhum et les petites frappes, quand glisse le talon sur un jeu à cinq sons ou la planche savonnée par la vague.


L’envie de dire. Où que le vide soit, quand les créateurs diaboliques assemblent des morceaux de cadavres à leur profit, les soumissions à l’infini tournent en cercle aporétique.


Loran Kristian, novembre 2025

 
 
 
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