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  • Photo du rédacteurCretté Alexandra

The beautiful maid - a story of freedom - extraits d'un récit d'Églantine Louis

Prologue.


Le bateau tanguait si fort que l'équipage en avait la nausée. La mer agitée leur lançait en pleine face d'énormes vagues de plus d'une dizaine de mètres.

Le capitaine criait aux jeunes marins inexpérimentés, sous la panique, de redresser les voiles.

Les secousses, plus fortes les unes que les autres, obligèrent l'équipage à se replier sur le pont principal.

"Dépêchez-vous !" leur criait en boucle le capitaine. Cela augmentait leurs angoisses.

"Vérifiez que les esclaves soient toujours en vie !"

"Regardez si il n'y a pas de brèche dans les cales! Et s'il y en a, rebouchez-les vite avant que l'eau ne les inonde !!"


Le capitaine criait a s'en arracher les cordes vocales. Tandis que les marins s'exécutaient, certains perdant la vie suite à un faux mouvement.

C'était le chaos à bord. La mer ne les laisserait pas s'échapper.


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Assise sur un siège de style baroque, une magnifique jeune femme couleur d'ébène coud, seule en cette soirée froide. Elle chantonne. Cette nuit encore elle va devoir nettoyer toute l'immense bâtisse qui abrite ses maîtres.


Triste était son expression. Depuis longtemps déjà elle avait perdu le sourire.

Mais en même temps, qui pourrait garder le sourire en menant une telle vie ? Certainement pas elle.


Elle leva les yeux au ciel après avoir déposé ses aiguilles et son tissu au sol.

"Un jour viendra, mon dieu, où je serai une femme noire libre".

C'était connu de tous, les esclaves importés d'Afrique avaient une foi immense et aveugle. Ils croyaient que là haut, un être puissant les protégeait, les avaient créé et que si une telle situation leur était tombée dessus, c'était pour leur montrer combien les hommes étaient mauvais, égoïstes et méchants.


Un courant d'air glacial vint lui effleurer la peau, provoquant une intense chair de poule.

Elle se redressa alors, regardant dans la direction de la mer, puis pris son matériel de couture et rentra.


Chapitre I.


Le ciel gris, la mer noire, le navire négrier silencieux.

L'équipage endormi, une jeune femme privée de ses mouvements à fond de cale, chantonne.

Un air mélancolique vient se dessiner doucement sur son visage fatigué. Elle ne sait depuis combien de jours ils sont sur les flots, mais elle sent que ce temps s'éternise.

Sa famille lui manque, sa terre lui manque, son village lui manque. Village dont elle a été arrachée telle une mauvaise herbe.


Le noir règne dans la pièce . Tous dorment, à part la jeune fille redressée dans une position qui se voudrait assise. Il fait froid, il fait noir. Un fin faisceau de lumière traversant une minuscule brèche vient illuminer son doigt. Elle baisse la tête et fixe cette lumière, la seule qu'elle voit chaque nuit depuis quelques jours, la seule qui la rassure et lui donne l'espoir de jours meilleurs.


Elle relève la tête et fait le tour de la cale du regard. Elle ne voit rien, mais elle sait où est placé chaque objet, chaque esclave. Les seules choses qu'on déplace ici, ce sont les hommes qui à bout de forces tombent d'épuisement et ne se relèvent plus.


Elle ramène sa main à sa bouche. La lumière sur sa main se retrouve sur sa hanche dénudée. Elle gratte le bout de son nez qui la démange puis ramène ses bras à sa poitrine et les croise dans l'espoir qu'ils puissent lui fournir un semblant de chaleur. Ce qui s'avère être vain.

Un souffle tremblant sort d'entre ses lèvres desséchées et craquelées. L'eau manque. Elle est fatiguée, épuisée, affamée, déshydratée. Elle a froid, elle a peur...


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A genoux, la jeune femme récure le sol à l'aide d'un vieux torchon. De la sueur perle son front, depuis le premier chant de coq elle récure, elle essuie, passe le balai, passe la serpillière, mais elle ne se plaint pas. Elle sait qu'elle évite de justesse le dur travail des sucriers. Travailler dans un champ de canne ne l'enchante pas plus que ça.


Elle se relève, met le torchon dans la bassine d'eau sale qu'elle prend, puis se dirige vers l'extérieur. Elle jette sous l'arbre situé dans la cours l'eau sale de la bassine et s'en va en direction de la cuisine. Il faut encore qu'elle prépare le repas de midi, et le petit-déjeuner. Elle a tant à faire en si peu de temps.


Arrivée dans la cuisine, elle met son tablier, un tablier bon marché laissé par sa maîtresse. Elle prend une planche à découper, un sac de pommes de terre, un couteau et deux grands saladiers avec lesquels elle se dirige vers l'arrière cour.

Le siège en bois posté habituellement là l'attend. Elle s'y installe et commence à éplucher. Quelques instants plus tard, un jeune enfant apparaît, souriant devant elle. Il lui brandit au visage un cerf-volant et s'écrie, enjoué: "Père et moi l'avons construit ! Il vous plaît ?"

La jeune femme sourit et hoche la tête. L'enfant rit, fier de lui, avant de repartir aussi vite qu'il était arrivé.


Elle recommence à éplucher quand soudain une cloche retentit. Les esclaves sont arrivés . Elle doit se dépêcher de leur apporter leur nourriture.


Aussi vite que ses jambes affaiblies par la fatigue le lui permettent, elle court vers la cuisine aux esclaves et prend à pleines mains l'énorme marmite contenant le ragoût. Elle se met difficilement en route en direction du bâtiment leur étant réservé.

La lourde marmite ne fait que l'affaiblir un peu plus, mais heureusement elle arrive à bon port. Les hommes, tous déjà attablés, attendent avec leur bol. La jeune femme dépose sur un trépied la marmite et prend une grande louche avec laquelle elle commence à servir chacun. Chacun reçoit un morceau de bœuf, des légumes et de la soupe. Tous bien servis, elle ramène la marmite près de la porte d'entrée pour ceux qu'il faudra encore servir.

Ici il n'y a pas besoin de mots, seules les gestes fonts offices de paroles. Même si le maître les oblige à parler en français.


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Un homme entre dans la cale et commence à frapper le bois à l'aide d'une barre de fer, ce qui provoque un bruit sourd.

"Debout !!" leur cri le marin, il range la barre dans l'une des poches de son pantalon et se bouche le nez. L'odeur de la cale est pestilentielle.

Tour à tour, les esclaves se réveillent, mais la jeune femme est déjà réveillée. Depuis longtemps. Elle n'a pas fermé l'œil de la nuit, elle n'y est pas parvenue. Trop de choses la tourmentent.


Elle regarde en direction de l'homme. La lumière du jour venant de derrière lui ébloui, mais rien qu'un peu, la salle. Elle voit à ses pieds deux seaux déposés. Il doit s'agir de nourriture. Après plusieurs jours, ils décident enfin de les nourrir.


Deux autres hommes entrent dans la pièce avec des sceaux plus imposants. Ils dépassent de quelques pas le premier marin et sans crier garde, ils arrosent les esclaves d'eau de mer. C'est l'heure du bain. L'eau froide et salée leur brûle la peau et les yeux. Le sel brûle leur peau déjà en mauvaise état. Ils s'arrêtent et se retirent, laissant seul le premier marin, avec les sceaux de nourriture.


Il prend un des sceaux entre ses mains et déverse son contenu dans les mangeoires en métal: des fruits et beaucoup d'autres aliments qu'ils ne pourraient pas manger normalement. Avariés et plein de vers.

Les esclaves se débattent comme des animaux pour pouvoir ne serait-ce que récupérer un bout de nourriture. L'homme vide alors l'autre sceau. Lorsqu'il juge son travail fait, il part.


On les traite comme des animaux dépourvu de sens, de conscience. On leur balance la nourriture au sol comme on balance une racine à un porc. On les lave comme on rince les porcs avant de les tuer. De plus dégoûtant, la jeune femme n'avait jamais rien vu.


Elle les regarde s'agiter. Il se battent pour pouvoir avaler ne serait-ce qu'un bout, rien de bien gros mais qui au moins leur évitera de s'évanouir. Un tel spectacle la désole. Elle souffle et continue de les observer mais son regard est attiré par un échange entre deux esclaves, postés à dix pas d'elle. Un homme tend un morceau de carotte à une femme. Elle est captivité par ce geste rempli d'humanité. Une humanité que certains parmi eux se refusent pour une stupide histoire de royaumes, de guerres anciennes, d'appartenances et de tribus.


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Ayant finit de faire le petit-déjeuner et le repas de midi, la jeune femme se permit un instant de repos. Elle alla s'installer dans l'herbe et commença à observer les sucriers qui s'activaient pour retourner au travail. Elle rêvait de pouvoir ne serait-ce que dire deux mots à l'un d'entre eux. Depuis son arrivée dans l'Habitation, aucune personne ne lui a parlé. Les seuls personnes avec qui elle communique sont ses propriétaires, le maître et la famille du maître.


Elle tend sa main vers le sol et triture entre ses doigts une brindille. Cette herbe à l'air plus libre qu'elle ne le sera jamais.

Une ombre vient la couvrir du soleil. Elle lève les yeux et voit son maître. Elle se lève sans un mot et lui fait face, le visage impassible.

« As-tu terminé tes corvées ?

-Oui, Monsieur. » affirme-t-elle, le regard toujours impassible.

L'homme la jugea du regard puis s'avança lentement vers elle jusqu'à ce que son torse touche sa poitrine. Il se pencha à son oreille et lui susurra:

« Bien. Maintenant, accompagne moi dans mon bureau.

- Oui Monsieur. »


Sans une parole de plus, ils se mirent en marche.

Arrivés devant la porte, ils entrèrent dans la pièce.

Le bureau est vieux, y règne une permanente odeur de renfermé. Monsieur ne l'utilise que rarement. Le vernis sur les meubles se craquelle, la poussière s’accumule par-ci par là.Les vitres ont une horrible couleur jaunâtre.

« Il faudra que tu me nettoies ce bureau. Mais pas aujourd'hui. Maintenant, prend place. »

Elle s'assoit sur le siège posté devant le bureau et regarde son maître s'installer à son tour à l'opposé.

« Alors dis moi: tu te sens bien dans la maison?

- Oui monsieur.

- Tu communiques avec les autres ? »


Après un cour instant de réflexion, elle secoue la tête de droite à gauche. Le maître hoche la tête et continue de la fixer. Il pose son coude sur la table et soutient sa tête dans sa paume. Il ouvre la bouche pour parler puis la referme. Les secondes commencent à défiler se transformant en minutes. Le silence règne. Et puis l'homme demande:

« As-tu déjà saigné ?

- Non, pas encore.

- Très bien, dis le moi. Je dois savoir quand cela arrivera. »


Elle souffle intérieurement de soulagement. Aujourd'hui, elle n'y sera pas contrainte.


« Au fait, ce soir on aura une nouvelle. Elle fera chambre avec toi.

- Oui, Monsieur. Elle fera le même travail que moi ?

- Elle s'occupera du repas des esclaves. Je te décharge de cette tâche. »


Encore une fois, elle sourit intérieurement. Mais cette fois-ci elle se permet de le laisser transparaître, légèrement.

Le maître en reste fasciné.

C'est la première fois qu'il la voit sourire.




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