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  • Photo du rédacteurCretté Alexandra

Lettre à ma grande sœur - de Sandie Colas

Dernière mise à jour : 6 févr.


Minuit pile, la cloche du nouvel an a sonné. Le réveillon bat toujours son plein, les feux d’artifices

font éclater des gerbes d’étincelles, le ciel est paré de mille couleurs multicolores. Certains sont soûls comme des barriques. D’autres sont heureux comme des rois. Cette ambiance hilarante, cette

heure de renaissance m’ont dit de t’envoyer de bonnes nouvelles mais je ne le puis.

Comme c’est un jour à marquer d’une pierre blanche, j’ai débouché mon château cheval blanc de

1960. Une bouteille que j’ai caché au fond d’une cave en attendant de te retrouver. Mais, puisque le temps reste figé et que je suis paralysée par une solitude dont je ne sais me défaire, je bois, je m’enivre.


Grande sœur,

les jours s’assombrissent à Cayenne pour nous autres, les immigrés, et mon cœur est plus sombre encore. Ici on vit un cauchemar éveillé qui se répète à l’infini, encore des lois, toujours des lois contre l’immigration. Des lois inhumaines qui nous marginalisent, qui nous acculent tel un rocher dans la pente d’une montagne sans fin. Ici on ne nous entend pas, ici on ne nous regarde pas.

C’est comme si on vivait dans un univers parallèle scellé par un sort de dissimulation. Un immense

désert sans point d’eau.

Au cœur de ce tourment infernal, je m’accroche à nos souvenirs lointains, je m’accroche à mes rêves, je m’accroche à l’espoir. L’espoir de revoir Andrea un jour, cette angesse qui m’a une fois pris sous son aile et ne m’a jamais lâché. Au printemps dernier, Andy a soufflé des bougies de plus de la moitié d’un siècle. Alors qu’elle continue de croquer la vie à pleine dent, elle rayonne, elle vibre d’énergie. Elle parcourt l'Amérique, les grandes et les petites Antilles. Aux dernières nouvelles, elle faisait escale aux Bahamas.

Grande sœur,

je ne veux plus de carte postale. Ce à quoi je m’attends c’est être auprès de toi. Main dans la main, nous rentrerons à la maison pour revoir les nôtres, nous irons remémorer nos vieux souvenirs à la Citadelle La Ferrière, nous goûterons à nouveau la saveur du pain doux, des cassaves et des jijiris. Nous irons nous plonger une fois de plus dans le bassin diamant et nous en sortirons plus fortes encore. De retour chez toi à Montréal, je te ferai découvrir la poésie, les romans et les arts, un cocktail que je bois maintenant tous les jours. Au final, nous ferons un petit tour au jardin d’art de la grande bibliothèque pour saluer la sculpture de l’illustre écrivain Dany Laferrière “L’exil vaut le

voyage”. Ensemble nous profiterons des délices de la vie.





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