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  • Photo du rédacteurCretté Alexandra

Le corps sensuel - Un poème de Daniel Pujol, extrait de son recueil Aurore




On avait promis nos viandes aux salaisons. Monsieur le gouverneur nous tenait au bout de ses jumelles.

Monsieur le curé au bout de ses tours de magie. Et mesdames vos femmes ?


Tu veux parler de toutes celles qui ruissellent de coco frais entre les mornes et la mer et dans les lits desquelles nous ne grimpions jamais ?


Oui.

Et bien, ce sont elles que nous craignions le plus.

Koupè tèt, boulè kay ! Koupè tèt, boulè kay !


J'avais semé cela dans les calebasses de leurs crânes, et crois-moi négresse, le vent qui y soufflait s'était montré suffisamment fertile, pour les enfler d'un orgueil nouveau, et leur faire oublier les dangers de la guerre.


Tu chevauchais, chéri, vers mes réveils en sursaut, là où les tourbillons des vents en s'opposant m'abandonnaient une clairière de lucidité suprême.


Je veux lécher ton sexe jusqu'à ce que mes babines se gonflent en une mangue victorieuse de sucre et de poisse. Je veux ton sexe tel un lambi éclaté.


Attention, s'y révèlent des nuances que seule la précision d'un incendiaire en fuite sait deviner.


Je veux cette nacre rouge qui brûle mes gencives et crispe mes doigts, crachat de piments dans les yeux. J'ai des rêves d'empoisonneur. Je veux une noyade dans l'écume de tes cuisses. Je veux faire vaciller chacun de tes pas vers un point de déséquilibre parfait dans la catastrophe qu'il annonce.


On n'atteint la perfection que dans le désir assouvi chéri. Et les harmonies les plus accomplies, les plus apaisantes ou encore les plus hardies dans leur envolée vers le temps éternel ne sont qu'un babil.


Je veux te renverser sous cette pluie qui mêle de la cendre à du sable et de l'herbe. Et l'ombre du mancenillier enfin rendue à la bénédiction et non à l'angoisse desséchante du mitan des rêves. Et la politesse du balisier qui orne mes joues d'une pudeur soudaine et tes joues à toi d'une colère surprise qui vibre dans le sifflement de nos peurs.


Tu me veux renversée ?



J'entre en toi négresse, comme ce matin-là, pour avoir oublié les raisons de mes guerres, j'entrais dans la ville qui se réveillait, souveraine. Désertée par Monsieur le gouverneur et par Monsieur le curé, souveraine et tambourinant sur ma route. N'avais-je pas fière allure sur mon cheval noir ? La ville qui s'écoulait des mornes vers la mer, souveraine, promettant à ces entrailles fécondes, d'autres joies et d'autres misères, neuves comme un sou neuf gagné au coin d'une table. J'entre en toi négresse comme j'entre dans ma vie.




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