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  • Photo du rédacteurCretté Alexandra

Germain Adélaïde, poète, auteur de nouvelles

QUAND SOUFFLENT LES VENTS ALIZÉS


Je suis né sous les mornes, là où soufflent les alizés,

Et où espèrent les pêcheurs, une prise toujours meilleure.

Je suis né sous les tropiques, non loin d’une dense forêt verte,

Que visite l’indigène en évoquant le ciel par ses trente prières.

Je suis né sans peur, agrippé aux mamelles d’une mère,

Qui tous les jours, et même jusqu’à maintenant, implore pour moi la félicité.

Je suis ce fils né courageux, qui a affronté le pire,

Pour laisser place pour de bon, à une saine embellie.

Je suis né dans une foi humaniste, pas fière d’une terre,

Qui selon moi, produit tous les jours, cette pauvreté dénigrée.

Mais, je suis né pour croire, que par sursauts et conscience,

Et d’un seul geste, nous consolerons, le cœur du plus fragile.



LA COULEUR DE L’ESPOIR


J’ai demeuré loin des miens assez bien longtemps,

Et franchi selon moi, même en vain, la sentinelle m’ouvrant accès au bonheur.

Toutes mes larmes salées, en hommage à une mer bleu-turquoise,

Provenaient de l’envie de mieux faire et de dire passionnément.

Combien de jugements essuyés, de regards dénigrés,

Ont fixé ma peine heureusement temporaire.

Il me reste à ce jour et dès lors, cette couleur de l’espoir,

Qui incessamment, fait vibrer les cœurs et consolider le génie créateur.

C’est ainsi que me vient cette idée merveilleuse et rassurante,

De procéder encore à un ultime pardon,

A celui qui, par mégarde peut-être, aura offensé la nature,

Et finalement libéré, la puissance absolue, d’un nègre fondamental.




LE CRI DE L'ESPÉRANCE


Qui d'autre que la félicité devrais je appeler pour épauler mes désirs ?

Je veux faire état de souvenirs d'un père ou la mémoire des anciens.

Je veux m'accrocher à la mélodie de la flûte en bambou qui a bercé mon enfance.

Je veux encore côtoyer cette maison de campagne où le café dégageait son délicat arôme aux tendres heures matinales.

Je veux saluer oncles et cousins qui attendent patiemment ce jour où tous ensemble nous célébrerons simplement la destinée de chacun.

Je veux aller m'incliner devant la doyenne du quartier, nonagénaire depuis, et dont le respect demeure infini.

Je veux fouler pieds nus cette terre fertile qui fait pousser le plus récalcitrant légume.

Je veux m'asseoir là-bas sans calcul mais appréciant un silence perturbé seulement de chants d'oiseaux tropicaux.

Je veux apprécier cette fraternité qui fait de nous des êtres d'un amour singulier.

Et je veux surtout que la divinité impose ses mains sur la tête de chacun pour le soulager et bénir sa demeure qui nous est chaleureuse et ouverte à toute heure.




À L'OMBRE DE LA CANOPÉE

Je me suis réfugié, tel un soldat, voilà bientôt trente ans,

Loin de tous les autres et des jeux d'antan.

Esquivant les déboires, j'étais prêt à affronter toutes peurs,

À force d'abnégation et rigueur.

J'eus à implorer, le genou à terre, plusieurs fois le ciel,

De ne point hésiter, et me laisser des rêves arc-en-ciel.

Le mendiant rassasié de quémander sa pitance,

Suscita de ma part consolation et croyance.

Je dû alors accepter sans ronchon, la tenue qui était mienne,

Et apprécier chaque jour, que la rançon de mes prières vienne,

À l'ombre de la canopée.



LE POUVOIR DES LUCIOLES SUR UNE TERRE SACRÉE


Au cœur du verger de Pelletier, apaisé par un concert de criquets,

Je n’ai pu voir la nuit dernière les ébats réguliers des lucioles qui visitent la chambre de mon enfance.

Un rêve d’une planète sauvée par l’amour a compensé largement ce film qui repassera tous les jours.

Les enfants étaient là, couchés près de moi, un moral d’acier.

Même les plus grands prétextaient une prière à l’unisson pour tout l’univers et ma chambre assez large pour demeurer près de moi.

Le sommeil désormais en chœur pénétrait un nouveau jour d’oiseaux joyeux, de temps merveilleux et de papillons morpho pittoresques venus de l’amazone.

Depuis lors, la commande de la veille avait pénétré les cieux et les êtres exceptionnels de cette terre se joignaient à ce faramineux destin planétaire.

Mon père de l’au-delà et de nombreux archanges, satisfaits de cette descendance, de l’espoir du bonheur amené par l’innocence, félicitaient notre idéal réconforté par une nature luxuriante.




NATIF DE L’ÎLE CARAÏBE


Je suis né diurne, à la Sainte Béatrice, les yeux alertes et écarlates.

A ma fête, je n’ai que des amoureux, qui attendent patiemment minuit, pour bécoter ouvertement. En chœur avec les anges, je me recueille le dimanche et quémande tous les jours, à mon être supérieur, d’explorer mon âme et cimenter un courage d’évidence, à toute épreuve.

J’ai reçu de mon père Raphaël, d’être cet homme public, qui garde en lui, un dégradé social, côtoyant le bas-peuple et la plus haute bourgeoisie.

Et j’ai vu à travers les grands hommes sur terre, leurs rêves, pensées et désirs, pour une humanité plus juste, notre incapacité, bien qu’explorant le ciel, à endiguer famines et souffrances.

Je me suis même demandé et questionné, plongé dans nos limites, à quand ce véritable programme, uniquement sur terre, d’irrigation et de répartition de l’eau et du pain, dans ces lieux désertiques, au secours de l’autre.

Oui ! Je suis né ce vendredi, annonçant la fête, parmi des milliers, qui tout comme moi, seront glorifiés, dès lors que le dernier de ce monde, dans un soupir soulagé, se verra à l’abri, dans nos cœurs aimants et nos chaussures confortables.



SUBTIL PROJET


J’ai un projet à lui soumettre,

Non, ce n’est point une sornette !

Je veux, outre merci, lui dire comment,

Je procède avec vigueur et discernement.

J'ai ainsi en tête de bien nombreux plans,

Que j’exécute à grand élan.

Soudain ! Je réalise encore ma liberté,

Et me vient alors plus de piété.

Je rêve ainsi de dessein divin,

De pouvoirs accrus et sans fin.

Et là, figurez-vous, mon premier geste,

C’est dire à Dieu que du reste,

De faire très vite et d’un trait,

L’enfant malheureux et apeuré mon subtil projet.



JURISPRUDENCE


Il me faut du droit,

Il me faut un homme de droit.

J'ai besoin d'un incorruptible,

D'un être sensible et animé par le droit,

Un défenseur de l'équitable.

Il me faut de l'être attendu,

Soif de justice et combattant la haine.

Il me faut d'une exemplaire justice,

De celui qui perçoit la loi,

L'homme de cœur et de raison.

Je veux l'unique,

Celui qui tient une jurisprudence exacte,

Mon droit.

Dieu, rappelle à moi celui qui comprend l'effroyable,

Et d'un pas fera plier l'innommable.

Dirige vers ton fils le providentiel juriste,

Qui révélera mon viol pernicieux et triste,

Au cours d'un jugement bienveillant et céleste.



ET UN NÈGRE SE RELÈVE



Lorsqu'un nègre se relève, la béatitude est là,

Et il frappe à la porte du bien être avec fracas.

Lorsqu'un nègre se relève, il le doit à sa pugnacité,

Et éloigne loin de lui la peur qui gisait à ses cotés.

Lorsqu'un nègre se relève, il y a tout près de lui de l'amour,

Et il se débarrasse pour de bon de ses chagrins devenus trop lourds.

Lorsqu'un nègre se relève, il écarte toute plainte,

Et dissipe, courageux et tenace, la crainte.

Lorsqu'un nègre se relève, la sueur se fait vivante,

Et son hôte peut encore lui attribuer des théories savantes.

Lorsqu'un nègre se relève, il sait, car à travers son vécu,

Il a vu comment esquiver et ne plus paraître vaincu. Lorsqu'un nègre se relève, oui !

Il est tout ceci en même temps,

Et il attend, en accord avec la divinité, de demeurer à tout jamais prudent.



J'AI RENCONTRÉ UN HOMME


J'ai rencontré un homme, dit de famille, socialement gradé, et reconnu par ses pairs.

J'ai vu cet homme, tout aussi soucieux de ses proches, mais qui devait compter le moindre sou, tel l'apothicaire.

J'ai croisé cet homme, d'abord d'un bas quartier, et qui par abnégation, a su se hisser tout en haut. J'ai parlé à cet homme, encadrant la jeunesse, et qui défendait pour elle, d'agir sans tumulte ni gros saut.

J'ai évoqué cet homme, commerçant malgré lui, qui pour l'activité, faisait feu de tout bois.

J'ai revu cet homme, resté dans son village, son gage de bien être, et pour conserver culture et patois.

J'ai abordé cet homme, religieux convaincu, et qui plaçait son Dieu, avant mère et père.

Et j'ai suivi celui, qui sans rien promettre, m'avait initié à la bienfaisance, et à la volonté d'agir, en homme et en frère.





L’AMOUR A DOMICILE


Je suis allé aux sources de mon baptême,

Pour me sustenter de l’amour chaud d’un carême.

J’ai ainsi revisité toute l’histoire de mon être innocent,

En faisant témoigner bon nombre de mes pourquoi et comment.

Quelques photos prises par ci par là, confirmaient mes premiers pas,

Et expliquaient la raison, une fois homme, de mes graves ébats.

Trop sensible et alerte face à la main impitoyable,

J'ai dû longtemps lutter pour anéantir l’effroyable.

Mais à force de croyance éternelle et personnelle,

Grâce à la divinité, fraternelle et réelle,

J’ai aussi fait appel, et de manière fière,

A ce tiers supérieur, qui, sans peur mais en prière,

Me met à portée de bras et du cœur, l’amour à domicile.



HOMMAGE AU FÉMININ


Je regardai la beauté s'exalter,

Et moi-même la renchérir, enthousiasmé.

Une câpresse créole s'approchant de moi,

Me mit très vite dans un vif émoi.

Et pourtant, dans ma courte vie,

J'ai trois fois flirté et le plus souvent souri,

A celles qui pour un jour,

M'aimaient et me condamnaient presque pour toujours.

J'ai résisté et flanché sous le merveilleux de la canopée,

A toutes ces déesses d'une évidente et immense beauté.

En consacrant ma belle jeunesse à un amour incommensurable,

Il me reste à remercier cette juvénilité idéale et durable,

Auprès de mon Dieu, qui, sans geste brusque et fort,

M'apporte en musique et en foi mon total réconfort.




MISS-MADAME,


Vous êtes en totale beauté, que vous me plaisez !

Laissez-moi vous dire, que vous me charmez.

Quoi vous suggérer sinon vous chanter une mélodie ?

Je ne suis pas bon chanteur, vous serez avertie.

Mais j'essaierai quand même, pardonnez-moi encore !

Que vais-je vous proposer, sinon un très bon restaurant ?

Un septième art fera l'affaire également, car j'ai connu Cannes et son festival.

Pourquoi pas une balade en forêt, c'est le minimum à faire pour laisser place à la vérité des choses. Faites-moi vibrer, transcendez-moi, réveillez l'inertie qui se cachait en moi.

Vous avez ma confiance, là est mon devoir !

Je ne fonctionne que sous-couvert de l'être suprême.

A ce titre, toute pudeur gardée, envoyons-nous en l'air !

La suite doit être encore plus belle, on en redemande.

Brune, black, chabine, blonde ou blanche, aux couleurs asiatiques, tout y passe, j'aime la personne humaine.

Mille fois merci pour ce temps accordé, ce moment d'écoute et de lecture des bons mots.

Je m'y attendais, figurez-vous !

Que l'amour soit gagnant et de façon la plus élégante. Je vous aime déjà...








Nouvelle: Chasse gardée en forêt guyanaise



Au lieu-dit Matiti à Macouria, sur l’avocatier de Lucien, un fumiste zandoli esquive avec pédantisme le bâton de Gontran. Flap ! – Je n’y suis plus. Ah-Ah !

Et flip ! Puis flop ! J’y suis de nouveau. Eh-Eh !

Attends ! Attends ! Je te donne une pause. Tu me suis ? Clic ! C’est fait ? Je me tire. Hi hi hi !!! Way mézanmi ! Qu’est-ce qu’on s’amuse !

Mais où il va ? Mais ! Reviens ! Allez Gontran ! On plaisantait. Ou paka pran blag tiboug ? Je te promets, si tu reviens, je me laisserai piquer.

Promis ! Sûr ! Ha ha ha ! Way mézanmiii !

L’avocatier luisait au soleil. A sa tête, mélangé à la pesanteur du mitan jour, un halo parabolique se dégageait. L’arbre semblait se mettre directement en relation avec toutes les lauracées du pays. Les avocats rougeâtres, les verts foncés, verts singuliers, les pochonnés-légers (entendons que leur fruit est frileux et peu coté), les jaunes verdâtres, les bleutés symboliques… tous, telle une communication fruitée, se transmettaient une série de belles nouvelles.

Tenez ! Ce matin, au petit jour, celui de Gontran ou de son lézard-panzou était en profonde discussion avec un confrère de la cité Mangot de Cayenne. Quoi de neuf dans la capitale mon frère ? Dis quelque chose ! Alors, de Mangot à Eau Lisette, de Bonhomme à Zéphir, de la Crique au centre-ville, et de l’en-ville à Balata, nous apprîmes une charge d’évènements.

Ce matin, Cayenne s’était réveillée en tunique bleu-fondant. Un Monsieur météo avait certifié à un animateur joyeux qu’ « en dehors de quelques brumes par ci – par-là, sinon pas grand-chose à signaler ». L’animateur taquin lui avait fait remarquer un ‘‘ tant mieux car ce n’est pas le cas en ce moment, c’est plutôt couvert Monsieur météo. En ce qui concerne l’île de Cayenne, n’ayant pas de nouvelle du reste de la Guyane, mais si vous le dites Monsieur météo, on veut bien vous croire… A bientôt Monsieur météo et encore merci.’’

Ce spécialiste avait beau dit tout ça, l’instant était presqu’au déluge. Une ondée anormale, ramenée par un vent capricieux chassait-croisait des grains de pluies ‘‘en colonnes, couvrez !’’.

Ces gouttes battaient une mesure régulière : une dose bien ajustée pour manifester notre puissance naturelle, petite accalmie pour enfants et personnes âgées ; une petite fifine pour maintenir la pression, puis trente bonnes minutes de grains bien gras.

Deux bonnes heures suffirent pour que la nature s’accorde à nos impératifs du samedi. Le marché disposait une animation symbolique aujourd’hui. Les fruits et légumes n’avaient jamais été aussi frais nous rappelaient les vendeurs d’oignons (ail aussi ?). La rue Lieutenant Brassé et les deux parallèles jusqu’à la chaussée Laussat étaient le théâtre d’un massif regroupement d’hommes et de femmes animés d’une volonté incommensurable de croquer dans la vie. La boucherie transformait les passants en zoophages et les bouquets garnis régulaient le parfum des agrumes. Le poisson, vendu dans des brouettes brésiliennes ne procédait à aucun supplice. L’allure fixait son arrivage en même temps que les premiers Hmongs de Javouhey déchargeaient les caisses de dachines. Le citron envahissait chaque établi et la laitue vert-mitoyen semblait aussi encombrante que fragile. La grillade réclamait un ti-punch que même les soupes à l’eau Hmongs et persil chinois ne suppléaient.

La pluie de tout à l’heure avait reçu les trente-six injures inversées des vendeuses haïtiennes qui voyaient déjà à ces conditions naturelles un additif vaudou quasiment incontournable.

La pluie était pour une le premier barrage à l’élevage de sa fratrie. Une autre langue plus sévère avait cité le nom trois fois de son ennemi le pourchassant ô-seigneur ! À vie.

Le beau temps revenu avait visiblement eu l’effet miraculeux de réconcilier tout esprit maléfique avec d’une part soi-même, puis tous ceux qui finalement ne les persécutaient pas tant que ça. Pas très loin, un chinois malin faisait promotion sur une bière très chère d’habitude, et un Syrien endetté (selon lui) bradait les vêtements enfants dans l’objectif mercantiliste d’effectuer un gain de productivité sur les mères qui à travers leurs enfants, trouveraient elles-aussi leur bonheur.

Ce matin, les aristocrates avaient fait le marché très tôt, des choses peu saines s’étaient déroulées la veille. Onze familles avaient été visitées dans la seule nuit d’hier et seulement trois arrestations recensées, et un meurtre. La police patrouillait non loin du Village Chinois en questionnant sur ce drame d’alcool. Quel drame ?

Ces gens de la haute devaient sans doute à dix heures se répartir dans les institutions parapubliques. C’est pour cela qu’il fallait dire un petit bonjour à sa vendeuse, embrasser son boucher, se signer et disparaître très vite. Les marchands n’ont jamais pu saisir la magie avec laquelle ces gens aisés pouvait surgir et se rendre invisibles l’instant d’après. Ou wèy ou pa wèy . Tous bénéficiaient de leur part d’un profond sentiment de respect et de courtoisie (d’autres, d’obéissance). Mais cela demeurait réciproque.

A dix heures, une loge philosophique rendait à un comité central son rapport de recherches. Quel rapport ?

‘‘…chers frères, dans notre course à l’être faisant abstraction du paraître, c’est un rapport angoissé que nous avons ensemble à vous lire ce jour. Nous avons tenté de décrypter l’inconvénient majeur à l’origine de cette ‘‘incohésion’’ sociale. De cette recherche tourmentée sur nous-mêmes, il semble que toute politique publique doit en effet tenir compte de cette marche en avant de l’homme. L’immigration fait peur à tous, et nous devons axer notre priorité sur une dédramatisation du processus. Tout calcul s’arrête à une légalisation du processus de mobilité humaine pour l’heure pénalisante pour ce pays pas encore suffisamment préparé. Cependant, si les mécanismes d’accueil de ces populations sont maintenant inadéquats ou défectueux, il convient de retenir qu’à un seuil d’habitants nous atteindrons tous les objectifs économiques pour l’instant inenvisageables… Nos conclusions sont donc : …il faut intégrer de façon définitive la notion d’immigration. Il faut également et d’urgence, réparer nos mécanismes d’accueil… ’’.

A onze heures trente, le soleil dorénavant luisant avait léché les rues d’une chaleur palpable. Des jeunes à peine jeunes s’attroupaient au cinéma des Palmistes. Voilà cher confrère ce qu’il faut retenir de notre matinée. Cayenne épouse un décor planté dans la jonction duquel se trouvent une évolution obligée, et une nostalgie d’un temps précieux. A la croisée de ce destin inéluctable, un soupçon amer de s’éloigner dans la mesure du temps des volontés de Justin Catayée. Une idée absurde d’absence révélée d’idéologie fière, autocratique, et guyanaise. Une surprise, Cayenne avait une surprise à nous faire :

« J’ai une surprise à vous faire.

Comment me faire pardonner,

Ou simplement oublier ?

Oublier le temps investi à votre dépend,

Pour vous offrir ce goût de bel agrément,

Gage de vie paisible, au demeurant.

J’ai une surprise à vous faire.

Je ne saurais vous dire combien,

Malgré moi, j’ai pris la mesure d’une telle discrétion.

Puis-je m’arroger le droit de créer cet émoi ?

Il me serait agréable d’agréer votre décision.

J’ai une surprise à vous faire.

Dois-je vous supplier,

L’instant d’un marché, ou le temps de quelques pas égarés ?

De cela, je crains de me déplaire à la trahison de tout préjugé.

J’ai une surprise à vous faire.

Mesdemoiselles, belles comme elles,

Chabines d’aquarelle,

Vos gracieux sourires d’hirondelles,

M’interpellent.

J’ai une surprise à vous faire.

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…Et toi, à la campagne ?



2. Pendant

Le petit Gontran avait fini de faire la moue. Sa grand-mère Pauline s’était approchée du centre d’intérêt du garçon et demeurait pantoise face aux prouesses aguichantes de ce lézard-panzou. L’insignifiant, incorrigible, avait de nouveau promis à l’enfant monts et merveilles.

Allez Gontran, allez ! Si tu viens, je te promets, tu ne le regretteras point ! Je te dirai pourquoi j’ai des dents. Hi hi hi ! Pourquoi le soleil brille et toi-même tu grandis. Oui, je te dirai tout ça.

Allez Gontran, viens! Connais-tu l’histoire de Tôtôte le ravet? Ou encore de Dame-crapaud de Mana? Ou celle édifiante de cette tortue engagée d’Iracoubo? Hein?

Tu vois Gontran, tu rates plein de choses. En plus, aujourd’hui, j’accepte, oui ! Je veux bien te dire l’Attaque du Jaguar. Quelle attaque ?

C’est ainsi que l’enfant s’était laissé prendre dans le jeu animé de cette fumiste bestiole. Mais il tint promesse. Ce panzou lui avait tout de même préparé une mise en scène digne d’un animal sérieux. Quelle scène ?

« Ah !, mon petit Gontran. Les faits que je te conte sont extrêmes, la parole fantastique. J’aurais pu te transmettre dans un au-delà presque réel les plus petites fibres des histoires guyanaises. Je parie que même Mamie Pauline ne t’a pas touché deux mots à propos de cette tortue qui, à cent mètres d’Iracoubo, terrassa plus d’une soixantaine d’automobilistes ! Krik ! Euh … Krak !, répondit hébété le garçon.

Ah ! Le ton est donné, je vérifie : Krik !…Krak ! C’est très bien mon petit. Ecoute.

Alors, tous ces gens, une fois surpris par la traversée hypocrite de l’animal (animal ouvre une piste engagée d’incubes individus maîtrisant les treize œuvres de Belzébuth), étaient pris d’une compassion connue uniquement de l’Abbé Saint-Pierre. Alors Gontran? Krik !….Krak!

A cet instant, plusieurs de nos sensibilisés par le train de l’animal, cherchaient à regagner le bas-côté de la route. Il fut alors démontré par témoignages interposés (là, les vérifications de chacun me sembleront légitimes), que lorsqu’un ‘‘ compassionnaire ’’ actionnait un freinage, dans un hasard mystique, six autres véhicules arrivaient simultanément et à des vitesses importantes. Krik !…Krak !

Les premiers soupçons provinrent des habitants de Trou- Poisson, puis de la brigade de gendarmerie de Melun missionnant à Iracoubo pour huit bons mois. Un autre escadron du grand centre de formation d’Auxerre confirma ces premiers éléments. Ils étaient tous unanimes sur la fréquence d’accidents allant du carambolage au capotage et faisant deuils et prières. La misérable, il paraît (protection oblige), traversait avec une souplesse logique et un regard attendri. Difficulté pour les plus djôk (comprenez rôklô ou résistants, vaillants, majors, solides, radicaux, braves, plus impudents que hardis, gaillards, imperturbables, …hum !) de continuer leur route sans une virgule de la conscience. On se sentait attiré, obligé, envoûté, dans un digidi (palpitation) galopant. Krik !…Krak ! Bon réflexe mon garçon !

Eh ben ! Tortue engagée prit le nom de facteur de Belzébuth ; de nouvelle technologie du baklou (le mal s’approprie l’apparence d’un jeune garçon qui au gain de sa confiance, vous lynche net !) ; d’innovation maskililienne (le maskili, Gontran, vit dans le bwa tels les nèg-maron d’antan et crée une peur effroyable à sa rencontre. Il est beaucoup plus vilain que toi et moi) ; d’ergotés en campagne ; de politiciens disparus ne sachant vraiment mourir ; d’anciens criminels des criminels déportés ; de peine à subir pour neuf malsains trop pressés par la vie, disparus trop tôt lors d’un soir de Toussaint à minuit presque ; de D’chimbo revenu, faisant taire ou raviver ses méfaits ; de la vengeance des prêtres de Counamama qui avaient enfin renoncé à leur foi.

Gontran avait consacré à ce panzou vingt bonnes minutes de son temps souvent réservé à la pêche dans le pripri d’en bas de la case. Sa grand-mère bourgeonnait depuis peu le long de la clôture en chantonnant l’air d’un nouveau zouk. Le laurier rose semblait battre la mesure et le bougainvillier établir un chœur éventé. L’hibiscus réclamait une voix plus haute et le buisson ardent augmentait la gamme. Le caca poule respirait cette musique maternelle et témoignait d’une santé fleurie. Hier, un rosier-grimpant asséché plissait ses roses blanc-velour et aujourd’hui les ravivent sur ces notes aux parfums d’orchidées.

Notre arboricole avait depuis l’intermède analysé ce garçon. Bon garçon. Petit garçon. Hi hi hi !

L’avocatier dressait son tronc et semblait être plongé lui aussi dans le zouk de Pauline. Une chaleur savoureuse était parvenue au faciès du panzou. Dans cette guérison hystérique, l’hypnose de l’animal disposait toujours d’un effet maintenant en haleine le garçon. Ce dernier avait installé un tabouret-d’amour-bricolage paternel au pied de l’arbre. Le zandoli avait enfilé une tunique d’occasion

(Pour des raisons esthétiques, je vous passe les détails de ce grotesque déguisement). Le jour était arrivé, Gontran connaîtrait aujourd’hui, enfin, après maintes requêtes, l’attaque sanglante du Jaguar. Quel Jaguar ?

Notre animal était court sur pattes, avec une tête massive, les oreilles petites et arrondies. Il était là. Il environnait. Il s’était dissimulé depuis dix jours dans les marais, et l’oncle de Saïd ne signalait plus rien depuis. On l’espérait enlisé dans un labou (boue) mouvant. Awa !

Dans le coin, il avait capturé biches, tapirs, pécaris, agoutis, pacas, serpents, totitè (tortues de terre). Dans les rivières, il s’était nourri du poisson coulant. Et dans l’habitation, les chiens veillaient à ce que les poules, les cochons et les vaches ne disparaissent. François Redon l’avait soupçonné d’être à l’origine de cette tuerie. Un jeudi matin, l’homme avait découvert 13 cochons égorgés. L’animal était sur terre ce que le requin était dans l’océan. Il attaquait par faim et tuait par méchanceté. C’était le pire des jaguars rencontrés dans la vie de Saïd. Il tuait facilement trois vaches en une semaine.

Alors ?

Alors, ce jour-là, Saïd Nepos et ses amis revenaient d’une fête chez l’oncle Jean-Baptiste Sanssouci. Au lever du jour, il avait alerté François de l’absence d’une vache. Certainement enlisée à son tour. Awa !

Ils n’avaient ce jour-là aucunement pensé au tig gwiyann. L’homme et son oncle s’étaient rendus à hauteur de Moucaya pour vérifier leur hypothèse de départ. Des sept chiens de la case, deux acceptèrent cette balade d’apparence normale. Deux chiens créoles, Filou et Garçon, qui, sans vaccin, résistaient aux dix-sept microbes. Des chacals de chiens ou des espèces sans manman et sans papa. Aucun rongeur ne pénétrait l’habitation en leur présence. Des langues justes les disaient descendants d’une fécondation de louve. Les plus aventureuses les prétendaient revenus du désert d’Orient et ramenés ici par l’esprit des chiens puis tantôt des loups eux-mêmes.

Saïd avait observé ce déploiement en binôme de ces chiens-fer en direction de la rivière, comme devinant leur trajectoire. L’oncle Jean-Baptiste suivait à quelques mètres les pas rassurés de son neveu de vingt-sept ans, fièrement, hum ! Les chiens s’étaient attardés sur l’Angélique comme convenu. En effet, à chaque sortie, cet arbre était visité incontournablement par les chiens. On l’avait baptisé l’Angélique la malicieuse. Une femelle d’arbres majestueux surplombait la prairie et quelquefois dit-on, l’arbre se dévoilait. L’angélique s’approchait de l’habitation aux grands vents et tonnerre, à la tombée de la nuit et les soirs de pleine lune. L’hermaphrodite cherchait, tournaillait, rôdait. Cet arbre était un lieu de culte. Un sanctuaire. C’est à ses troncs que se déroulait la cérémonie annuelle. La rumeur court qu’un groupe de chasseurs rebroussa chemin en surprenant trois disciples de Satan dans un festin royal avec des jeunes filles, très jeunes pour la plupart, probablement vierges, d’origine tahitienne, avec de longs cheveux et de bombants seins pointus. Ces filles étaient conviées à une beuverie mondaine dans un endroit éphémère. La femelle d’arbre savait tout. Son tronc laissait paraître une forme charnelle qui retenait l’attention.

Filou avait pissé deux fois sur l’Angélique comme par provocation. Un vent couli-coulant s’était levé pour l’occasion, pour témoigner qui sait ?!, de la susceptibilité de l’Angélique. Soudain, les deux chiens-fer s’étaient lancés dans une course effrénée. -‘‘Il se passe des choses là-bas’’, avait rétorqué l’oncle Jean-Baptiste. Les deux hommes suivaient les aboiements avec vigueur. Maintenant, à soixante mètres plus loin, gisait par terre un cadavre animal. Quel cadavre ?

L’arrivée annoncée par les jacassements de Filou et Garçon agaça une masse sombre qui releva la tête pour évaluer le danger. Le Jaguar. Il était là. L’assassin demeurait sur les lieux de son crime. L’ennemi était chez nous. A mesure qu’approchaient les cabots nerveux, la vraie bête se redressait, forcément. Ces deux chiens-fer allaient mettre un terme à son entrée gourmande. La vache qui ne pointa pas à la tombée de la nuit d’hier était donc la proie du Jaguar. L’animal avait sélectionné la plus grosse vache du bétail de Saïd.

Dès seize heures, le félin avait reniflé une avancée timide du troupeau. En restant dans la lisière, il les avait accompagnés jusqu’au point d’eau. Soupesant chacun de ses déplacements, il avait été vif et alerte. C’est donc à la sortie de la rivière, sur cette partie dégagée de la savane, qu’il s’était lancé sur la vache. Il l’avait égorgée kroum ! Une résistance pathétique n’avait rien résolu, Kroumkroum ! Au niveau de son emprise, après avoir vidé la vache de son sang, il avait procédé à une première dégustation de l’épaule. Puis, prudent, il avait recouvert sa proie de pailles et de branches sèches pour éviter que les charognards ne troublent sa sieste. Il avait ainsi passé la nuit à veiller sa proie, et ce matin, s’était remis au travail.

Le Jaguar se trouvait prostré sur sa vache tel un des disciples de l’Angélique. Il avait attendu la nuit durant pour savourer cette deuxième partie du festin. Il lui manquait les Tahitiennes. Le félin avait jeté un regard d’acier à ces chiens-fer qui terniraient son repas. Les cabots ne se révisèrent pas avant d’agir, ils fonçaient tout droit vers le cadavre, sur le Jaguar.

La bête avait compris que le danger ne provenait pas seulement des chiens. Derrière eux, se tenait déjà leur maître. Said, n’ayant au départ pas envisagé cette probabilité, avait armé son fusil de plombs ‘‘quatre’’. Awa ! Trop petits diront ses amis.

A hauteur de la vache, les hommes constatèrent que les chiens avaient déplacé leurs aboiements au niveau de la lisière, la proche forêt. Le Jaguar aigri s’était réfugié dans les buissons. Mais où ?

Le neveu courageux avait demandé à son tonton de redoubler de prudence, et surtout de l’attendre près de la carcasse emmouscaillée par des mouches. Le temps pour lui de pister l’animal et de ramener ses chiens dont la fréquence d’aboiements, plus rapide depuis lors, inquiétait. A peine s’exécutant, Saïd entendit un wélélé animal. Un kayi !!!, kayi !!! provenait de l’un de ses chacals. L’un d’eux se ramassait des coups de pattes étranges. Saïd serra très fort son arme et d’un saut en longueur s’enfonça dans les buissons. C’est alors que surgit la bête. Agrippé sur la première branche attenante à la lisière, le Jaguar avait balayé Filou, et attendu son maître dans ce piège infernal. Bondjé ! s’écria l’homme. L’animal lança un premier coup de patte qui déclencha simultanément le départ d’une cartouche de faibles plombs. Awa !

Le félin saignait, il lécha rapidement son épaule droite et actionna le deuxième coup de patte. Mes amis ô ! Le rapport d’hypothèse médicale du docteur Giffard donne ceci :

‘‘ …La partie gauche de son corps est sévèrement touchée et présente des fractures multifragmentaires. Le bras du même côté présente une plaie béante mâchurée, intéressant tout le muscle biceps, avec du sang giclant sous pression. Le scaphoïde est à nu et encore sanglant.

Les épaules présentent des lésions complexes laissant craindre pour l’avenir de leur mobilité.

La cuisse gauche a été utilisée comme starting-block à des griffes plus puissantes que tout instrument tranchant de cuisine. Le fémur ne semble pas à priori touché mais existence d’une plaie si complexe du quadriceps qu’une infection est à craindre.

La misère. Le genou semble avoir été plié dans tous les sens et davantage en extension forcée.

L’intéressé est admis à l’hôpital Jean Martial de nombreuses heures après le drame.’’

Qu’est ce qui sauva Saïd ? Oui ! Quoi ?

Filou qui souffrait sa manman inconnue, demeurait orgueilleux. Garçon s’était lancé dans ce briga sanglant. Ce chacal prit l’animal par derrière et ne lui lâchait plus la tête, tandis que Filou, clopant, mordait l’épaule blessée du félin. Filou et Garçon n’étaient plus des chiens. Ni même des chiens-fer. Ils s’étaient métamorphosés en chacals vrais, en loups d’Anatolie investis de l’esprit des chacals.

La bête jeta un dernier œil d’acier, provocateur à leur maître et lâcha prise. Le félin se confondit au grand bois et s’effaça d’un saut. L’oncle avait vu ressortir une moitié d’homme de ce buisson, et deux chiens épuisés, redevenus chiens-fer. François Redon qui suivait à une heure, aida Jean-Baptiste à évacuer en hamac ce qu’il restait de son ami Saïd.

L’avocatier de Pauline s’était chargé de diffuser la nouvelle au reste du pays. Celui de Gontran commençait à être turlupiné par les allers et venues du panzou.

Le lézard avait présenté un spectacle à haut cachet aujourd’hui.

Exit ! Hein ! Exit ?



Germain Adélaïde











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