Street
Chemin de terre rouge, boueux
après la pluie
-cataclysme douloureux de la pluie
qui tord les palmes, les ailes des kikivis
les tee-shirts sales des enfants
qui force les pieds à la rigueur
de lavements perpétuels
et de soupçons pour les recoins
- cataractes de pacotilles
le long des lambrequins
déversant des soucis de coiffure
bâclées par le quotidien
Rue goulot de bouteille de bière
lacérée de bleu violent
grilles en plein centre pour l'eau
-encore elle- partout le long des murs, des poutres, des panneaux publicitaires, des avis de location...
fouissante et traîneuse et ravineuse
Rue longée d’égouts à ciels ouverts
broussailles vivaces
peuplée d’étiquettes vives
coupantes
aux cotés d’herbes sans nom
-sans nom pour mon oreille tendue à travers ce rideau de son
sans nom de rue
quelques numéros épars (pour la plupart).
-au travers d’une forêt de piquets et de boîtes
ou d’ombres drues hachées verticales
Des noms
des numéros de boîte postale
Et les murs de tôles
les murs de craie rose ou rouge
les murs lavés
délavés
aux grandes eaux de la saison
en traînes vides et luisantes
aux bords légèrement gris.
Agrandissant l’écaille.
Hoo bay, koté to ka alé?
des questions qui glissent
pa fé majorine
vini palé ké mo
comme des caresses presque polies
sur mes fesses
Traces de pluie.
Murs d'école primaire
Murs couverts d’affiches aux noms de DJ oubliés
Murs de cités à deux étages
à trois étages de petits balcons
décolorés
Murs de chinois frottés par les ombres
-les troncs des rares arbres-
manguiers larges rugueux poisseux
modestes amandiers aux feuilles robustes
Ces murs de providence
pour les hommes seuls
-bière à la main-
ou pour les enfants qui y cachent leur trésor.
Rue de hanches saillantes et moulées
de talons hauts à l’épreuve
des racines sournoises
torves
rue de seins généreux
placides et caramels
ou coupoles de granit
comme un recoin nocturne
- plus sombre que l’ ani
Rue de bachata la nuit
4X4 longeant
les rues de plaisirs
s'arrêtant musique à fond
d’un coup de rein.
La rue noire en bloc.
Percée de rais rouges et jaunes
eux mêmes rayés par les cuisses fuselées
des filles qui courent
pour échapper au loup
pour échapper au mauvais œil
pour échapper aux mains de fer blanc
pour zébrer la nuit de jambes fuyantes.
Rais verts aussi, et bleus
parfois
qui coupent la rue à la machette.
- quand de secrètes étreintes rodent
et s’épuisent de caïpirinhas trop fortes
en excitations moribondes
- quand la sueur a séché
amère et salée
sur les bords d’un gobelet de rhum
Au petit matin
rue de marché
croulante de fruits
sur les étals
aigreur du manioc
et du cramanioc
Chant des coriandres
vert soufflant la légèreté lointaine
mains noires
mains jaunes
mains blanches
- combien d’heures sans dormir
au point du jour bleuit
à la rare lumière
qui devient soleil fou
et tasse derrière mes lunettes
les joies de sentir dans ma chair
le jour nouveau
et pourtant déjà mort
éphémère et acide -
Sueur et chemises collées
sur les cageots lourds
Pentes de toits
de toits rouges de tôles au dessus de nous
Toits de tissus essorés
cerfs-volants abritant
nourriture
-par terre
et les mains des petits enfants.
épluchures de quénettes
rognures de dachines
pelures de melon d'eau
- au loin et pourtant tout près -
chiens jaunes errants dans les rues de Cayenne.
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