Mama Sranan
Nous ne sommes pas allés
au concert de Paramaribo
Nous n’avons pas caressé le kaly
Nous n’avons pas souvenance du reggae
J’ai fermé les yeux en arrivant au sommet du pont Wijdenbosch
Parbo m’est passée sous le nez
comme un rêve de sieste lourde
Périphérie plate. Larges rues. Maisons blanches ourlées de noir. Ciel blanc. Puis jaune. Puis bleu. Grande large ville traversée de poussière et du vol des feuilles des mahoganys. Chaleur au cordeau comme le plan de la ville.
S’émoussant vers ses bords en quartiers corollaires. Thermomètre arrêté sur la Place de la Révolution. Calme terrible de premier janvier. Palmentuin de parade aux cimes
froufroutant le palais présidentiel.
Palmiers droits comme des i.
Statues.
Colonnades.
Brochette d’hôtels cossus pansus piscinés climatisés jardinisés organisés. Taxis pick up rutilants le long de la Suriname River. Albina, m’aam? Come here m’aam. Get a taxi. Ou bien silence hautain de l’auto qui glisse son éden climatisé avec dédain et fierté sur l’asphalte chaud.
Puis-je franchir
- ou même caresser-
la barrière que j’ai perçue sur les toiles d’une élégante galerie d’art de la Maagden Straat
- où s’étalaient les couleurs d’un monde profond et dansant
secret à l’œil étranger
des courbes de corps
pleins d’histoires et de guerre civile
d’obiaman et d’inselbergs sacrés
de signes vivants et de signes morts
au coin de la rue
où s’entassent
dans le bordel du marché des voitures des boutiques des piles de tissus de pneus de bananes de sacs de riz… toujours des cafés aux vitres vertes et grises boutiques de fringues en nylon mosquée plâtrée de blanc...synagogue Washington posée sur son lit de pelouse…et puis partout marchandises en piles de casseroles de hamacs de pommes d’amour âcres et sucrées. Chaussures dorées hautes plates colorées noires ou brunes. Odeurs de bami nasi loempia. Djogo de bière sur les bancs.
Toyota luisantes sabrant la nuit. Piétons méfiants du passage piéton…
Oohhh mélopée de la nuit
une marche
à travers la ville
qui chante
en sourdine très bas
les camions de bauxite
les rizières infinies
les barrages sur les fleuves intérieurs
car tout se reflète
résonne et s’abandonne
dans les bras de Paramaribo

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