Ne dis pas
Les notes cristallines des oiseaux
Sur la partition du matin frais
Ne dis pas
Le chant de cette langue que tu ne connais pas
Et qui te semble pourtant si familière
Fongbe mina yoruba se lancent pêle-mêle
A l’assaut de ta mémoire troublée
De ton corps incrédule
L’équilibre est fragile et il faut de si peu
Pour que tout bascule
Ne dis pas
Que ton âme tremble de tant de réminiscences
Elle cherche ancrage et certitudes
Là où tout n’est que chaos et dissolution
Ne dis surtout à personne
Que ton cœur croit se souvenir d’avoir marché
Sur des chemins qui ont rougi la plante de tes pieds
N’avoue à quiconque que le chant guttural du prêtre
A trouvé écho au plus intime de ta chair
N’avoue pas
Que tu te souviens avoir dansé jusqu’à la transe
Pour l’amour de Sakpata, de Mamidan
Sur les braises d’Ogun
Ou l’exigence flamboyante de Legba
Ne dis pas
Car personne ne voudra croire que quand tu pleures
C’est l’Atlantique tout entier
Qui se déverse dans tes yeux
Que quand ton cri s’éteint au fond de ta gorge
Il paie ce faisant un tribut
Pour tous les cris décapités
De Xwéda à Madinina
Que quand ta jambe est prise de paresse ou de tremblements
C’est qu’elle se souvient de la morsure du sabre
Dans les halliers du marronnage
Chut…
Ne dis pas
Que les lignes de ta main dessinent un code secret
Tracé à la hâte et en lettres de feu
Avant que l’on ne te voue à la fureur de l’Atlantique
Que le creux de ta main contient mêmement
L’Île et le Continent
Et que l’on ne te somme surtout pas de choisir
Car quand tu quittes l’Île pour le Continent
Tes blessures font le même voyage
Et quand elle te sent à l’approche
Mama Africa dépêche au-devant de tes pas
Le souffle ardent de son Amour
Qui murmure à tes oreilles :
« Bienvenue à la Maison ! C’est si bon de te revoir
Après tant de siècles d’arrachement ! »
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