Sur la plage envasée, je t’ai recouverte de boue grise.
Je t’y abandonne aux urubus.
Maîtres de la plage envasée, j’ai troqué ma toison angélique
Pour leur parure de jais.
Tu m’as offert entre deux palikas éventrés ma vie d’homme :
Ici, le bel âge exhale des fumures de charogne.
Devant la mer et l’horizon, tu esquisses un universel baiser.
Déjà,
Tes pas se dérobent, et dessinent sur le sable
De funestes entrelacs.
Sur la plage envasée, tu bâtis des Alcazars sans fondements,
Qui sont déjà autant de ruines. Opus magnum d’une vie d’opérette.
Credidi in unam Deam.
Sur la plage envasée,
Aurores et poisons s’unissent dans l’étreinte
Et de leurs incestueux ébats, naissent deux avortons difformes.
Ou peut-être trois. D’une pression dans le sable,
Déjà tu les ensevelis dans la nécropole de vase.
Alors, au soleil de la plage envasée,
Tes traits kaolins se dispersent en un amas putride.
Antiques haruspices, le sable et le vent conjurent à ton malheur.
Laudate domina
Mercis, car tu m’as offert la lumière crue de l’Équateur,
Celle qui fait distinguer
L’agami dans l’enchevêtrement des épiphytes
Et le singe hurleur dans la multitude des gentils.
Paix.
Paix à celui que tu as laissé intranquille,
Paix a ceux qui habiteront tes Alcazars le temps d’une saison sèche.
Mercis.
Mercis à toi, plage du vent, des sables et de la vase.
Chambre noire sur laquelle seuls se fixent
Des photons d’humanité.
Rivage
A la lisère des Ciels du Sud,
Dans ce mitan du Monde encore familier,
Je garde serré contre moi les portulans intimes.
Les sept mers bousculent le creux des ondes
Pour se verser dans l’Océan premier.
Rivé à un littoral bienveillant,
Que n’ai-je bien fait de préférer mes ourses à la Croix.
J’ai refusé les criques intérieures
Pour maronner droit à l’eau trouble.
Accroché à sa toile luisante de noir,
Le septentrion brille invariablement.
Il a un nom et un visage, l’Agapé des Anciens.
A minha coisa linda.
Uns
Seuls les gros-yeux savent.
A l’épreuve abrasive du sable ocre,
J’accorde mes géographies et sort de cale.
Le cocotier accueille la vérité crue
D’une passion intransigeante.
Vérité blafarde qui envahit
Mon for adossé aux arbres-sans-nom.
Je ne quitterai plus les plages envasées.
Rouge-orange-violet, gloria matinale,
Tromblons vitaux des matins du monde.
Tu chantes pour que nous chantions avec toi.
Plus tard, tu écrases, tu broies, tu sapes
Et tu annihiles. Conquistador des heures chaudes,
Je rentre alors frappé de fièvres malignes.
Ta seule camaraderie se porte sur l’astre roi :
Mon hubris ravalé, je sortirai à l’heure du pian.
A moins que tu ne te nimbes d’argent.
Indistincte Potosi où l’amalgame de la mer,
De la terre et de l’eau enveloppe l’horizon
D’un métal pourtant déjà froid.
A l’heure a-cardinale, nous restons sans géographies et
Sans histoires.
Nous reposerons ici, dans la nécropole de vase.
Rien ne dure sur ces terres vieilles comme le monde.
C’est l’heure carmin, communion du crabe et de l’enfant
Des déracinés et de la palmeraie.
La nuit tombera bientôt et sous les lunes hypertrophiées,
Couples interdits, tortues marines et contrebandiers,
Tous les carbonieri de la colonie sans fin
Conspireront joyeusement dans la glaise
De la plage envasée.
Tes complots ont l’âge du monde.
Jamais silencieuse, perpetuum mobile de la clameur universelle,
Tu clames :
« Unité ».
Là où se mêlent les hémisphères sensibles
Là où le souvenir est préféré à la promesse
Là où les brasiers de joies s’allument sur des bûchers de saudade,
Là où tu es belle à mes côtés, minha carinha,
Tu es là contre moi car je te rêve –
Là où l’écaille du jeune acoupa échoué et une paire d’yeux rieurs
Conspirent à la beauté du monde
Là où camarade veut dire aimer chanter écrire
La terre l’Univers et les hommes
Là où se confondent le ciel et la terre,
La nuée anthracite et la boue grise.
Sur la plage envasée.
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