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Photo du rédacteurCretté Alexandra

Sur la plage envasée, poème de Samuel Tracol

Sur la plage envasée, je t’ai recouverte de boue grise.

Je t’y abandonne aux urubus.

Maîtres de la plage envasée, j’ai troqué ma toison angélique

Pour leur parure de jais.


Tu m’as offert entre deux palikas éventrés ma vie d’homme :

Ici, le bel âge exhale des fumures de charogne.


Devant la mer et l’horizon, tu esquisses un universel baiser.

Déjà,

Tes pas se dérobent, et dessinent sur le sable

De funestes entrelacs.


Sur la plage envasée, tu bâtis des Alcazars sans fondements,

Qui sont déjà autant de ruines. Opus magnum d’une vie d’opérette.


Credidi in unam Deam.


Sur la plage envasée,

Aurores et poisons s’unissent dans l’étreinte

Et de leurs incestueux ébats, naissent deux avortons difformes.

Ou peut-être trois. D’une pression dans le sable,

Déjà tu les ensevelis dans la nécropole de vase.


Alors, au soleil de la plage envasée,

Tes traits kaolins se dispersent en un amas putride.

Antiques haruspices, le sable et le vent conjurent à ton malheur.


Laudate domina



Mercis, car tu m’as offert la lumière crue de l’Équateur,

Celle qui fait distinguer

L’agami dans l’enchevêtrement des épiphytes

Et le singe hurleur dans la multitude des gentils.


Paix.

Paix à celui que tu as laissé intranquille,

Paix a ceux qui habiteront tes Alcazars le temps d’une saison sèche.


Mercis.

Mercis à toi, plage du vent, des sables et de la vase.

Chambre noire sur laquelle seuls se fixent

Des photons d’humanité.



Rivage


A la lisère des Ciels du Sud,

Dans ce mitan du Monde encore familier,

Je garde serré contre moi les portulans intimes.

Les sept mers bousculent le creux des ondes

Pour se verser dans l’Océan premier.


Rivé à un littoral bienveillant,

Que n’ai-je bien fait de préférer mes ourses à la Croix.

J’ai refusé les criques intérieures

Pour maronner droit à l’eau trouble.


Accroché à sa toile luisante de noir,

Le septentrion brille invariablement.

Il a un nom et un visage, l’Agapé des Anciens.

A minha coisa linda.


Uns


Seuls les gros-yeux savent.

A l’épreuve abrasive du sable ocre,

J’accorde mes géographies et sort de cale.


Le cocotier accueille la vérité crue

D’une passion intransigeante.

Vérité blafarde qui envahit

Mon for adossé aux arbres-sans-nom.


Je ne quitterai plus les plages envasées.

Rouge-orange-violet, gloria matinale,

Tromblons vitaux des matins du monde.

Tu chantes pour que nous chantions avec toi.


Plus tard, tu écrases, tu broies, tu sapes

Et tu annihiles. Conquistador des heures chaudes,

Je rentre alors frappé de fièvres malignes.

Ta seule camaraderie se porte sur l’astre roi :

Mon hubris ravalé, je sortirai à l’heure du pian.


A moins que tu ne te nimbes d’argent.

Indistincte Potosi où l’amalgame de la mer,

De la terre et de l’eau enveloppe l’horizon

D’un métal pourtant déjà froid.

A l’heure a-cardinale, nous restons sans géographies et

Sans histoires.

Nous reposerons ici, dans la nécropole de vase.


Rien ne dure sur ces terres vieilles comme le monde.

C’est l’heure carmin, communion du crabe et de l’enfant

Des déracinés et de la palmeraie.

La nuit tombera bientôt et sous les lunes hypertrophiées,

Couples interdits, tortues marines et contrebandiers,

Tous les carbonieri de la colonie sans fin

Conspireront joyeusement dans la glaise

De la plage envasée.


Tes complots ont l’âge du monde.

Jamais silencieuse, perpetuum mobile de la clameur universelle,

Tu clames :

« Unité ».


Là où se mêlent les hémisphères sensibles

Là où le souvenir est préféré à la promesse

Là où les brasiers de joies s’allument sur des bûchers de saudade,

Là où tu es belle à mes côtés, minha carinha,

  • Tu es là contre moi car je te rêve –

Là où l’écaille du jeune acoupa échoué et une paire d’yeux rieurs

Conspirent à la beauté du monde

Là où camarade veut dire aimer chanter écrire

La terre l’Univers et les hommes

Là où se confondent le ciel et la terre,

La nuée anthracite et la boue grise.


Sur la plage envasée.



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