I.
De face de profil
(au fond d’un commissariat céleste)
dans manteau de craintif sublunaire
chapeau fuyant et servitudes
apprêté pour paraître
caché sous son heure
… l’Homme
de face de profil
de travers
il chante
Mais quoi ?
Les nuages cacheront toujours
les tourterelles
Aux carrefours givrés
les tarots nous épuisent
Les couteaux dans les îles tombent les bœufs
dieux abasourdis
L’ineptie du jeu des marins avec la terre
multiplie miraculeusement les chances du charme
De face de profil
à ses chevilles s’abattent
les cartes vulnérables
Sur fond de paysages estampillés
moroses
Sur fond de filles vertes qui râlent
à l’heure des béliers
Sur fond d’homme de face de profil
monnaie qu’évalue la ruine des dynasties
… l’Homme
Ruche asservie, marché des sommeils et des glaces
… l’Homme
De face de profil
Tête couverte entre trottoir et ciel
Manteau gris que l’on porte dans les villes
byzantin tout de même un peu voleur
journal dans la bouche
chevaux de courses pour ses rêves
… l’Homme
Il attend son travail son épouse
ses maladies entre ciel et terre
les statistiques de sa disparition
pour causes incurables
élèvent sa nouvelle prière
Regardez vue d’en bas
Son élégance mesure ses trahisons
Son cou
icônes de mon enfance
sa gorge déjà en bois
tendue vers le ciel nébuleux
Femmes capricieuses qui priez
têtes captives
fichus noirs de femmes mariées
tresses de jeunes filles
Femmes qui priez
femmes capricieuses
joue contre joue dans les églises
Femmes qui répandent le bruit
Toit durable des maisons
feu sûr entre les briques rouges du foyer
Du pigeonnier les messages
du pigeonnier du clocher des champs
du chandelier
Femmes gentilles capricieuses femmes qui priez
priez pour moi la face vénérable de l’homme
De face de profil
il a mangé son pain
bu son vin
Sa demeure vendue
son épouse est un cygne
Les cygnes
l’homme les aperçoit
dans la lueur de sa colère
« Des hommes pas des destructeurs »
Ezra Pound
Cinq ans dans une cage
haute trahison
De face de profil Pound silencieux
Cinq ans dans une cage
pour un homme c’est très long
Pour un dieu ?
II.
… ruine des royaumes
n’a plus l’homme de demeure
ni enclos
ni source
ni fontaine
… n’a l’homme de lit ni de parole
son effroi gagné
… n’a plus l’homme de reine
de royaume
… n’a plus la femme d’homme
ni raison d’être
… n’ont plus champs mers arbres
raison d’être
… liquidées les dynasties
… amours
envolés dans les plaintes
… le sang ne franchit plus les blessures
ne franchissent plus les mots
l’âtre de ce monde
Bargemon dans la montagne
Dona Inès règne
main sûre
main chétive
main certaine des Villanova
Sophia à mon bras
noces d'une saison où chaque homme
dénombre ses richesses
flancs de Sophia
Au creux des moissons
s'étend le règne du hibou
Capricieuse détournée des ravines
fruits suspendus à tes rêves
plein les bras de ce monde
…
Hibou de Minerve dans le secret des bois
Ta couche temple
aux échos redoutables
le vent fils unique du pays des morts
y mène ses loups
Sophia
vol dévasté
lumière qui baisse
labyrinthe des vierges
Sophia
tes yeux à la brisure des astres
tes yeux delta pour la rage des monstres
Sophia
trois troupeaux ce matin ont déjà tressailli
le lait dans la lumière de tes seins a caillé
Sophia
vendue belle au triomphe des frênes
Sophia
hibou en colère de Minerve
Par ton vol tu maudis trois générations d'anges
Sophia
vendue aux armées étrangères
à la troupe impudente des souillons du commerce
…
Minerve en émoi
… ruine les dynasties et les perd
… souille les peuples qui l'acceptent
… abaisse les hommes de science
tord l'enfant dans le sein de sa mère
Par Sophia vendue
n'a l'homme de temple
Par Sophia vendue
n'a l'ange de sentier ni d'écho parmi nous
Par Sophia vendue
n'a plus la mer de vagues
ni la maison de pierres pour le seuil
ni d'assises le songe des armes
Par Sophia vendue
l'enfant n'a plus terre de prince
(le prince qui trottine au réveil dans sa tête)
…
les géomètres manquent de nombre à leur guise
…
n'ont plus les hommes d'honneur sur leur visage
ni de routes à leurs pas
…
n'ont plus les hommes ciel terre
villes vomies dans les comptoirs des commerces hideux
dans les banques l'or est purulence
…
n'est plus l'ordre une marque
au front des magistrats
… sur les baies qui nourrissent les saints
… sur les tours qui bénissent les villes
… sur le rire des femmes
Vol trahi
…
miroirs brisés
saintes clouées sur le bois des parloirs
les voiliers perdent leur souffle dans le sillon des soirs
digues qui ne séparent plus
rivages et amertume des voyages
Hibou en chasse
Minerve tuée
brisé le socle où la garde se tient
blessé l'homme au sein de son armée
volé son cheval à l'entrée de la ville
(Un prince sans cheval est une ombre qui mendie)
Venez ce soir dans ma prison Madame
… aux ailes d'ange sous les griffes
manteau de Minerve …
(abreuve-moi hibou à cette fête
j'attends ancré à tes reins)
III.
A Bargemon dans la montagne
j'ai tenu Sophia dans mes bras
Dans la charité des insectes
l'été luit
et vertical le soleil
à ses évidences
Son arc couvrant le ruisseau
un pont nous a permis
de nous étreindre
Eau sourde des plaines
dans l'appel sans écho
je me suis retourné pour boire
Dona Inès m'a dit
son fils m'a dit
Manuel de Villanova
maître des vignes et des forêts
Le fusil a pesé vers la terre
dans la main de l'homme
Sophia dans ma main
figée
flamme d'une salamandre
dans mes bras
sève du frêne
Au soleil étendue
ma tête sur son ventre balance d'exil
hanche sûre dans mes nuits
hanche sûre
journée de colombes
soirée de léopards
nuit de licornes
… bénie la Delphes
de Provence
fauves alignés
lumière pieuse
Oiseaux peints par Braque
Le guet amoureux tue le doute
Ventre de Sophia docile dans l'éclaircie oblique
"Que Dieu vous aie en sa très sainte et digne garde"
Dona Inès de Villanova
Nous buvions sous le jeu des oiseaux
indéchiffrables
IV.
Il n'y a que soleil
Uccello
source certaine
tremblant oiseau agonisant
marine
sème le vent
marbres et
mythe
… détournée en
quatre lignages
de quatre lunes soudaine procession
noces
… sur les berges
… au détour
quarantaine imposée aux cités de la mer
sur la lèpre des murs les édits désignent
les lieux de rassemblement
ils sont aux points cardinaux
que nulle rose n'impose
et dont nul règne ne saurait prendre ombrage
Pourtant de ces lettres
… détournée
pour joncher le sol de cadavres
que les greniers soient vides
effacée toute trace de noblesse
enfants ne portent plus
étoiles à leurs fronts
Rougeur des crépuscules
naissance maudite refusée
Cantilène de prieurs
n'est pas maudit le vin nouveau
Navire archipel d'épousailles
fatigué de miracles
Arioste des aventures blanches n'est pas venu
Entailles de lueurs sur les nuages
de Provence
promesse récitée aux ravins
Ne vends pas le monde
Sophia crépusculaire
dans la pluie sans nuance
séparant la route des prieurs
sur la partition des hirondelles
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