Cretté Alexandra
Révolte - Sézon wara, un poème d'Alexandra Cretté
J'invoque l'eau qui ruisselle
- au creux de la nuit je respire lentement l’espoir -
à tordre les souvenirs
sur ma maison
j’invoque
mille espoirs traqués dans les chants de traverse
et je te vois debout sur le camion
le drapeau à la main
et le vent de nos voix dans tes cheveux
partout ton image belle et noire
et libre et ravie de nous sentir derrière toi
partout dans nos mains nous sentions la vie de la parole
et la première confiance
comme un oiseau posé
dans le nid coco
ou contre l’ombre de l’abricotier
A chaque marche nombreuse
nous souriions de nous voir
et de chanter les même mots
et de tous à travers toutes les langues
nous sentir devenir plus
que le nom d’une terre
que la marque d’une loi
et d’unir nos nombrils dans la terre rouge
pour faire fuir les serpents de la mort
au creux de la nuit je respire lentement l’espoir
je me suis perdue tout ce temps
tu dévastes les déserts de mon présent
L’ennemi immobile est loin
et en même temps
dans la sueur même
de nos efforts
héritier de tout ce passé d’effroi
et de calebasses humaines
déposées au seuil de notre histoire
dans un silence hurlant
Que ne puis-je dépecer le passé comme le chasseur habile le maïpouri…
...et te l’offrir pur et rouge
au cœur des colonnes de la forêt vestale
Que ne puis je transmettre l’instant couleur du feu
et ramener les mots morts à la vie
par des mots vivants qui te feraient rêver
J’invoque
la suie sur mes mains
du bois noir crevé d’impatience
- au milieu de la misère
qui perdure
- au milieu des tôles
bénies par la pluie des hasards
J’invoque
l’huile de palme
séculaire et ardente du wara épépiné
longue tige dorsale
filante de nos poings debout
Quelque enfant guerrier
et ignorant de l’être
marche le long d’un mur
qu’un au loin
a appelé frontière
quelque poche à son flanc retient peut être une pierre
et dans sa langue- à sa bouche- une chanson
redécoupée
où tu as la part belle
Poème composé le 28 mars 2021.
