Enceinte à coudre non pas amour, ville de massacre
Port-au-Prince Paradis Bordel
Le bruit de la mer sous les pavés d’asphalte
Ici, le vent n’apporte plus l’odeur du sel,
mais le fumet brûlé du charbon, de la misère.
Les femmes, les hommes, les enfants marchent
dans un silence qui éclate sous les coups de la cloche
un silence de grincement, de fractures,
lourd comme un poids sur le ciel de la ville.
Port-au-Prince, ton ventre s’est ouvert
avant même que le soleil ne vienne te laver,
ta terre a porté la promesse
d’un paradis trop lourd pour les mains humaines.
Et voilà qu’à l’horizon, sous des palmiers crevés,
l’on pleure non pas des amours perdus,
mais des vies écrasées dans la poussière.
Dans la rue, il n’y a pas de poésie dans les yeux,
juste la lueur fatiguée de ceux qui ont vu
les enfants mourir d’un coup de vent ou de faim.
Les hommes ont la peau marbrée de souffrances anciennes
les femmes, la bouche pleine de rires fêlés
qui cherchent un éclat d’air frais
entre les fissures de l’oubli.
Un tir, une cloche, une explosion de corps et de couleurs.
Paradis, mais quel paradis ?
La ville s'ouvre dans son cri,
ses entrailles étouffent sous des amas de béton,
les rêves se diluent dans le sang qui ne sèche jamais.
Et toi, pauvre cœur fatigué,
comment survivre à l’odeur de la défaite ?
Les enfants dessinent des avions dans le sable,
espérant que demain ils s’envoleront
loin de la violence,
loin de la crasse des ruelles,
mais leurs rêves sont une étoile
qui ne brille plus sur l’horizon.
Et toi, cité des ruines,
tes murs sont des poèmes déchirés,
ta poésie, c’est la poussière qui monte,
c’est l’histoire sans fin de ceux qui sont là
pour coudre à la main les pièces d’un pays
déchiqueté par la guerre, le choléra, la peur.
Port-au-Prince, Paradis Bordel,
te voici, étrangère à toi-même,
accouchant sans fin d’un autre corps de douleur,
bientôt tu te feras mère de la révolte.
Mais aujourd’hui, sous cette pluie lourde,
les enfants chantent encore des hymnes de lumière,
les vieux murmurent les noms des ancêtres disparus,
et la ville, toujours la ville,
porte dans son ventre tout ce que le monde a oublié.
Les ruelles ne sont plus que des veines qui saignent,
les corps écrasés se mélangent à la poussière,
les voix s’éteignent dans les ruines des mots
Godson MOULITE
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