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  • Photo du rédacteurCretté Alexandra

Lazaret, un poème d'Alexandra Cretté

Dernière mise à jour : 1 août 2021


L’avocatier ralenti encore une fois sa course dans mon espoir de lui voir des fruits

je dessine d’un doigt ennuyé les sentes laissées par d’antiques colonnes de termites sur les murs de ma maison

A force de les voir, ces murs ne sont plus blancs mais

multipliés de traces et d’écorchures infimes

Le temps a accumulé plus de détails que moi


Peut être suis-je comme toutes ces choses

lézardée de replis

immobile dans l’instant qui s’étire


toute entière concentrée sur la surface

des objets dans la lumière

la douceur de la peau de mon fils

la suie noire collée aux recoins de mes ongles

perdue loin du fil

dans la mer bleue sur le ciel du même bleu


ce labyrinthe des choses m’occupe

et fatigue la lumière de fin de journée

irascible et tendu

capable de choisir le silence


Suis-je toute entière fardée

masquée de tissus improbables

comme un porc luisant mené sur un palanquin

de silences acides

sacrifice inconscient parmi d’autres sacrifiés?



Quel est ce corps qui ose à peine penser à la souffrance d’autres corps?


Châtré de désirs qui lentement refont surface


La rue silencieuse à tout moment

l’obsolescence de ce que l’on voulait

ardemment

et que l’on ne veut plus


Se tenir là

distancié

éloigné

du sentiment de vivre



Chante sombre lune émaciée au dessus de nos nuits

où se perdent d’innombrables vœux

au sommet du plus grand arbre se jouent les ombres en vol

libres de rumeurs

Quand mes mains pourront-elles à nouveau

se saisir et prendre sans renoncer à toucher?


Ceux qui mordent à pleines dents le fruit de la chair présentée

sur l’abatti dru et planté

dans l’eau sans fond de la crique

naissent et demeurent



Quelque chose secoue encore une fois le monde

onde pourrissante qui hérisse les villes

jalonne les routes de sueurs involontaires

- nous fait haïr l’un et aimer l’autre


Nous emmurer nous mêmes dans les satisfactions que nous nous sommes données…


Renouveau du soleil qui déchire la moiteur de la saison des pluies

qui redore d’un souffle autre

et donne l’illusion que tout se termine

- le vol du bec d’argent

posé quelques instants familiers,

l’ombre du manguier épaisse de branches nouvelles-


une sorte de fissure espérée sur le col du bocal.



Rémire, Aout 2020.





























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