La terre.
Des racines saturées,
des brindilles,
un déluge.
À quoi sert mon feu dans l’averse
quand la nuit porte une rivière ?
Enfanté,
la nuit m’a enfanté.
Nuit des singes hurleurs,
des âmes feuilles,
Nuit de la forêt habitée
où ton ombre suit mes pas,
où les troncs sont refuge.
Arbre de vie,
je te frôle et tu m’entends.
Le rêve,
qui dira notre rêve,
ce goût de la pluie
quand ma main posée sur l’écorce
te caresse ?
Tu m’accompagnes,
je te réponds.
Nous courons, à perdre haleine,
jusqu’aux pieds de yahuasca.
C’est un murmure de plumes,
un chuchotement de sève,
Nervures : notre long voyage...
Enfanté,
la nuit m'a enfanté.
Nuit de la course des pécaris,
Nuit du vol des aras
quand la terre se tait,
quand le ciel gronde à force de porter.
Il y a un fleuve,
nous le traverserons.
Des arbres, d’autres arbres.
Tu me contes leur chant d’amour,
la terre rouge des grains.
Aussi loin que va l’extrémité
de tes branches,
je ne peux tous les voir.
II
La nuit, dans cette pirogue
qui m'emmène quelque part,
des lignes de mots, rien de plus.
Le temps d'un silence
dans la roche, sous la pluie,
j'imagine que nous sommes
l'eau qui passe
et que les arbres se nourrissent
des empreintes que tu laisses.
Si tu écoutes le fleuve
tu sais que
je suis vivant.
III
D’aussi loin que je me souvienne, tout a
commencé ici.
Dans mon rêve,
le murmure d’un jour qui semblait ne
pas vouloir finir,
l’engorgement du fleuve,
le chemin chuchoté.
Je voudrais pouvoir te dire pourquoi ce
voyage et
pourquoi ces épreuves,
jeter quelques sorts
près des arbres qui
tant de fois
nous ont sauvés,
dans cette vie là-bas,
autrement.
Je pense à toi qui est restée
près des nôtres
jusqu’à ce que la nuit s’éteigne.
Le soir,
je traverse des visages en silence,
comme avant,
lorsque mes pas
dans les tiens
accompagnaient
la respiration de la terre.
Je cours la nuit pour te retrouver.

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