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  • Photo du rédacteurStéphane THOMAS

Etranjé, un poème de Télumé

Etranjé


Par de là les mers, te voici échoué

Sur une plage, sous un kiosque

Interdit de rêver

Fatigué du voyage, tu demandes le répit

Sur une terre vendue comme ayant une bien meilleure vie

Un toit, des vêtements, des écoles, pleins enfants…


Une bien meilleure vie


Meurtri par ta propre patrie


Sur une terre inconnue qui jadis

qui l’eut cru,

Accueillait

à la volée ou accostés

cultivateurs,

orpailleurs, cambrioleurs, colons et bien penseurs


rescapés de la Montagne Pelée


Les âmes en perte, les condamnés, les effrontés,

Les résistants, les compétents, les bienveillants.


Là où la mer caresse les mangroves et les bâtiments en tôle

S’envolent Ibis, Toucans et puis âmes en avion

Accostent alors

des baroudeurs, à la Indiana Jones

des fonctionnaires, avec primes de survie

sur une terre ferme et close

verdie de malheurs

maltraitée, injustement pillée

Toi, étranger

Toi, étranger débarqué sur cette terre maudite

Que viens-tu apporter ?

Ta misère est la bienvenue

Puisses-tu la fructifier

Car après tout

Cette terre l’aimes-tu comme ton pays

Etranger à nationalité

Bleu comme le ciel perdu

Blanc comme ton vêtement souillé

Rouge du sang des captifs

Etranger dit-moi

Tiens-tu à la respecter

Tiens-tu à l’aimer

Tiens-tu seulement à vivre entre

Le Kourou spatial et le Sinnamary russie

A prendre la place et compétences des natifs roussis

Probablement critiquer les vieux tchip d’une mamie du coin

Où est-ce de l’ingérence des caïmans vautrés sur les berges du marais

que tu discuteras en commission pour permissions

Oh quelle fortune de voguer carbets après carbets !

Plus un sous cette semaine,

Tiens voilà un prêt

Et puis, l’Etat, lui, te soutient

Développe donc le tissus défraîchi

Rapiécé par des mains encornées

la toile décousue

anéantie au fil des années

Non, tu n’y es pour rien

Toi

Mais tu nies quand même

Être porteur sain de cette maladie invasive

Qui parasite les terres

conquises

et s’installent piti piti

en jetant de leur nid

tout oisillon prêt à voler

sans le vouloir

oui c’est certain

sans excuses

sans anyen

mais bon tu n’es pas bien méchant

tu as reçu une bonne éducation

à la baguette, au fromage et au beurre

tu sais bien, toi, comment le monde avance

puisque du monde ton état

en a fait un quatre-quarts

et tiens, en-revoilà une part

tu voudras bien d’une bonne mutation

une aventure au saut de ton choix

aller chasser les vers de terre

exploration

goûter l’amer

la noix

de la coco


Combien d’entre-nous n’ont même pas vu Morpio

Ni même aperçu un Morpho

Certains endroits ne vivent rien que pour toi

Et ça vraiment ça ne te dérange pas ?


Allez, ne t’en fait pas

Personne ici ne te fustigera

Conquistador au temps du net

Tu fais la loi

Depuis les bacs de sable

A l’inselberg

jusqu’au prochain départ


dit-toi étranger

QUE VIENS-TU FAIRE EN GUYANE ?



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