Il y a quelqu’un qui n’est pas présent aujourd’hui, c’est moi.
Cette formule très chère à Dany Laferrière m’a permis aujourd’hui de dire mon exil. Je n’ai jamais voulu être un écrivain de l’exil, de la diaspora ou de ce genre de chose. Car, j’habite ce pays qui m’a vu naître comme le JJJJRolph de Marc Exavier l’a toujours habité. Je n’ai aimé être autre chose que le fils spirituel de Jean Cajou ou qu’un produit d’une rencontre fortuite avec Evains Weche à Jérémie, ma ville natale, le berceau des poètes. Si vous voyez que je commence mon propos par mes mentors, c’est par ce que je ne suis qu’amour, partage, camaraderie et reconnaissance.
Il m’a fallu dire mon prix aujourd’hui, au-delà de toutes les souffrances qu’endure mon pays en ce moment. Mon pays sombre, meurt, s’atrophie. Mais, je n’ai pas pu rester. J’aurais tellement voulu être là à vos côtés. Rire, dire, pleurer, cracher sur les voyous du PHTK, de l’international sanguinaire, cracher sur les agents de la gangstérisation de mon pays. mais, je n’ai pas pu rester malgré cet arbre qui plaît à René Philoctète a l’entrée de la grand-anse. Cher Philo ton peuple s’ouvre encore à la vie, mais la vie passe loin et très loin même de ce peuple de grand rêve. Il y a plein de choses que je n’ai pas eu le temps de faire avant de fuir mon pays …
Quand j’ai quitté mon pays, Cayenne a failli me devenir une capitale de la douleur. C’est en ce moment précis que j’ai écrit Miroir. Par ce qu’il me fallait me regarder et regarder ces gens qui vivent en espérant une main tendue. Ces migrants, souffre-douleurs que la poétesse Alexandra Cretté nomme : « Ces autres mal nés ». Par ce que plus rien ne va. J’ai aussi été en amour et j’ai été quitté, il m’a fallu dire aussi cet amour qui me tue. J’ai aussi quitté des gens qui m’aiment et j’ai écrit Cœur. Mon livre prend ainsi forme en chantant les douleurs du monde. Douleur de l’amour, l’horreur de l’exil. Mais, il me manquait mon côté fragile. Et ce coté le plus discret de moi-même, je l’ai écrit en pensant à mes disparus. Chedlet Guilloux est mort par ce qu’il a croisé le chemin de l’horreur, de l’anti-peuple, Anne Sherca Florvil est morte sans avoir eu le temps d’écrire un livre sur le mal caduc.Elle m’a vendu cette part de rêve ancré en elle. Et les assassins ont tué mon ami Tchadendsky Jn Baptiste, le plus grand lecteur de Gide que j’ai connu. Tchad est assassiné sans voir mon premier livre. Il m’aurait dit : DJab, yo resi mete kod la nan kou w ! et je me dis, comment compter tous ces morts ? je n’ai pas su le faire, j’ai commencé Fragile par la mort de la poétesse Jessica Nazaire et je me morfonds.
Je vais partir pour vous éviter de pleurer avec moi. Par ce qu’en ce jour, je ne peux pas regarder les poètes de ma génération en leur disant : Henry, Carl Henry, Dossous, Wilbert, Micaelle, Marc Ender, Adeline, nous sommes une génération Née-échouée. Cependant, il nous reste ce dur devoir d’offrir a notre pays un immense Cœur, Miroir, Fragile.
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